Projet de loi de finance 2022, un déphasage entre la parole politique et les actes budgétaires

Willy Ontsia fait livre une analyse pertinente ©DR

Libreville, le 2 décembre 2021 (Dépêches 241). Projet de loi de finance 2022, incohérence entre les ambitions gouvernementales et la pratique budgétaire. Analyse de Willy Ontsia, expert financier

Très souvent dans notre pays, il y a un fossé entre les effets d’annonces du gouvernement, la pratique administrative et les réalités budgétaires y relatives. 

Pour illustrer ce constat, prenons pour exemple les faits suivants. Chaque année, le gouvernement promet de mieux maîtriser la masse salariale de l’Etat et de ses démembrements estimés en moyenne à plus de 700 milliards F.cfa. Mais dans les livres du trésor public, l’encours des dépenses de personnel et des charges connexes reste quasiment inchangé. 

Autre exemple, à chaque exercice budgétaire, la promesse est faite de réduire le train de vie de l’Etat mais dans les faits le budget de fonctionnement de l’administration y compris les transferts ne baisse pas. Conséquence, le poids excessif des charges de fonctionnement et frais connexes inscrites au budget 2022 pour 1.203 milliards F.cfa continuent de plomber les finances publiques.  

Continuons la démonstration avec cet autre exemple frappant, le Président de la République, Chef de l’Etat a fixé à l’économie nationale l’objectif louable de faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025.  Mais paradoxalement, cet ambition pro-active et volontariste ne se matérialise pas en termes d’investissement publique qui demeure une variable d’ajustement réduite à 326 milliards F.cfa soit seulement 11% du total du projet de budget de l’Etat arrêté à 2936.5 milliards F.cfa pour l’année 2022. 

La volonté de développement 

Force est de constater que les lois de finance successive adoptées par le gouvernement ne cadrent nullement avec la volonté de développement et de croissance affichée par le Chef de l’Etat. Dans ces conditions, il est illusoire de penser qu’on pourra atteindre la cible souhaitée par l’exécutif.  

Poursuivons encore notre exercice avec cet exemple supplémentaire, penchons-nous sur la problématique de la dette publique qui culmine actuellement à plus de 8000 milliards F.cfa. Le gouvernement gabonais s’est engagé à respecter les critères de convergence de la CEMAC en contenant l’endettement de l’Etat   en dessous de 70% du PIB (Produit Intérieur Brut) du pays.  Mais dans la pratique, le stock de la dette publique, y inclus l’endettement abyssal des établissements publics détenus à 100% par l’Etat, ne cesse de s’enfler pour atteindre aujourd’hui le sommet de l’Himalaya, c’est-à-dire plus de 90% du PIB. 

Sur le principe, l’endettement public est une bonne chose si et seulement s’il permet de réaliser une plus-value grâce à des investissements productifs. A contrario, et c’est le cas du Gabon, l’endettement public est nocif parce qu’elle ne produit aucun retour sur investissement en raison de la corruption rampante. Dans ces conditions, continuer à endetter la nation gabonaise sans rien produire d’équivalent a déjà conduit le pays dans une impasse budgétaire et hypothéqué une partie de l’avenir des générations futures.

Lutter contre la corruption et les détournements de deniers publics

Comme dernier exemple de notre exposé, rappelons que régulièrement notre gouvernement annonce lutter contre la corruption et les détournements des deniers publics notamment en conduisant des opérations politico-judiciaires appelées, entre autres, « mamba » ensuite « scorpion ».  Mais dans la réalité, comme nous l’a révélé récemment le quotidien l’Union avec le titre « comment ils volent l’Etat », la corruption et les détournements des deniers publics se poursuivent allégrement. 

A ce propos, il y a là encore une incohérence de taille, le gouvernement dit lutter contre la délinquance financière, mais paradoxalement, aucune hausse significative de budget n’a été prévue en 2022 pour soutenir l’action des institutions publiques en charge de la lutte anti-corruption. Par conséquent, on peut constater qu’il existe souvent un grand-écart entre la bonne volonté du gouvernement et les moyens mis en œuvre. 

Par effet de domino, en l’absence de garantie de cohérence entre les ambitions affichées, la pratique politique et la réalité budgétaire, notre pays ne progresse  que très marginalement.  

Aussi, pour re-crédibiliser la parole politique et redorer le blason de l’Etat dans l’optique de rétablir la confiance perdue auprès d’une partie importante du peuple gabonais, je suggère humblement, d’une part, que les politiques publiques dans notre pays soient annuellement évaluées par des entités indépendantes et les rapports rendus publics. 

Et d’autre part, je propose, sans grand espoir, que le gouvernement adopte une loi organique permettant aux citoyens gabonais de déposer une « action collective » pouvant, sous certaines conditions d’éligibilité, autoriser la tenue d’un “référendum nationale” pouvant déboucher sur l’autorisation d’une élection anticipée, et ceci en cas d’échec d’un gouvernement à tenir ces promesses électorales après trois ans d’exercice du pouvoir.

En conclusion, je reste convaincu que l’application de ces deux mesures pourraient être un puissant vecteur d’optimisation de l’efficacité des politiques publiques dans notre pays.

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