Hyacinthe Mba Allogho: Panthères ça suffit !

Le journaliste pointe clairement du doigt la responsabilité de Franck Nguema dans la gestion cataclysmique des Panthères du Gabon ©DR

Libreville le 7 juin 2022 – ( Dépêches 241). Dans cette tribune relative au fiasco autour du voyage en RDC des joueurs de la sélection nationale les Panthères du Gabon dont la vie a été mise en danger par l’incurie et la négligence de la tutelle, Hyacinthe Marcel M’ba Allogho, journaliste prolixe, avec des mots forts et un soupçons de lassitude pointe la gravité de la situation vécue par les coéquipiers de Bruno Ecuele Manga. Une situation qui porte la responsabilité d’un seul homme, Franck Nguema, vomi par les joueurs et par une partie de l’opinion au regard de l’incompétence dont il fait montre depuis sa nomination à la tête du département du sport. 

Il voulait faire mentir ceux qui ont affirmé qu’il était interdit de vestiaires chez les Panthères. L’aventure a tourné au désastre pour le ministre des Sports. En quarante huit secondes d’une vidéo qui n’aurait jamais dû être diffusée, le divorce entre les joueurs de l’Équipe Nationale de football et sa tutelle politique a été étalé au grand jour. On y voit un Franck Nguema royalement ignoré par les joueurs. Aucun ne pose un simple regard sur lui, ne lui adresse parole. On voit même Kanga Guelor le bousculer sur son passage sans se retourner ni s’excuser. Le bouquet, c’est quand il tente vainement une conversation avec le capitaine Ecuélé Manga qui lui tourne le dos après un furtif salut, même s’il essaie de le retenir par la main. 

Le coach adjoint également fait l’impasse sur lui en évitant de se mettre sur son passage, le regard ailleurs. Un hippopotame aurait eu plus de considération au milieu d’un troupeau d’éléphants. Et il est reparti aussi seul qu’il est venu, dans la plus totale des indifférences. Juste son équipe de suiveurs pour franchir la porte avec lui. Du coup, la victoire des Panthères, plus qu’héroïque, vient adoucir les brûlures d’une déconfiture qui était bien partie pour avoir des conséquences de cataclysme, pour être le point culminant d’une déconstruction qui est engagée depuis la triste campagne de Yaoundé en phase finale de la Can. Mario Lémina, un des deux indisciplinés jetés aux loups avait déjà dit à l’époque qu’il ne remettrait plus les pieds en équipe nationale « tant que l’encadrement actuel resterait en place ». 

Cinq mois plus tard, Aaron Boupendza qui « préfère être sacrifié si ça permet de faire avancer les choses » reprend quasiment les mêmes mots : « il est temps que les politiques et les gens de la Fédération assument leurs responsabilités, sinon on va dans le mur ». C’est que l’attaquant d’Al-Arabi au Qatar a vu quel traitement on réserve dans ce groupe à ceux qui osent dénoncer les errements et les manquements des dirigeants. La bassesse allant jusqu’à tenter de leur nuire dans leur carrière avec des accusations avilissantes et des bilans de santé fantaisistes que personne n’a le courage de venir étayer publiquement. Le groupe a ainsi perdu ses deux meilleurs joueurs. Tant pis donc s’il va rallonger la liste des pestiférés. Et puis, le bouquet comme pour l’appuyer, c’est le très discret et toujours silencieux Bruno Ecuélé Manga qui brise à son tour le plafond de glace pour lui aussi se mettre en position de demandeur de sanction. « Nous subissons un manque de professionnalisme qui au final a un impact négatif sur nos performances et qui cette fois a mis nos vies en danger. C’est inadmissible et inacceptable… Il est temps que s’arrête le pilotage à vue au sein de la sélection nationale gabonaise… Le peuple gabonais, l’équipe nationale méritent enfin l’EXCELLENCE ».

Ces dénonciations ne pointent cependant aucune responsabilité directe. Il faut réentendre le président de la Fédération dans son interview sur Africa 24 au lendemain de la Can affirmer qu’il ne parle que de ce qu’il sait et ce qu’il sait, qu’à Yaoundé, « il n’a eu aucun problème avec ses joueurs », sous-entendant que la situation lui a été imposée à lui aussi. Ces propos que personne ne viendra démentir seront tout au contraire renforcés par les sorties successives du Sélectionneur National. Patrice Neveu ne cesse de répéter qu’il n’a eu aucun cas d’indiscipline à Yaoundé dans l’aspect sportif qu’il gère. Du reste, aucun entraîneur au monde n’irait trouver les plus indisciplinés de son groupe pour tenter de les faire revenir en mesurant les conséquences et l’influence négative qu’ils auraient sur la cohésion et l’efficacité. Patrice Neveu l’a pourtant fait.

Mais alors toutes ces déconvenues viennent de qui et d’où ? En regardant les problèmes tant à Yaoundé qu’au sortir de Chantilly, on se rend compte que leur origine est la même. Nous avons frôlé le forfait parce qu’un avion affrété est tombé en panne en plein vol et qu’il a dû atterrir en catastrophe au Portugal. Le volet transport de l’équipe nationale est exclusivement réservé au ministère des Sports. Si Bruno Ecuélé Manga révèle que nous sommes passés à côté du drame zambien, c’est probablement parce que des économies de bouts de chandelle, et on peut imaginer à quelles fins, ont poussé des lumières à affréter un avion low-cost pour éviter de plus dépensiers titres de transport sur de plus sûres compagnies aériennes. Et puis, on a fait comme au village. On a rassemblé vite fait 17 joueurs dans une répartition de rôles impossible à comprendre, on les a jetés dans le premier avion juste pour éviter le forfait. Cette responsabilité est entièrement et indéniablement celle du ministère.

A Yaoundé, le problème qui s’est posé et même avant avait un nom : la dette des primes de matches que les joueurs voulaient solder avant le début de la compétition. Encore une fois, la responsabilité du ministère qui en a la charge intégrale est totalement pointée. Des matches éliminatoires à la phase finale, les promesses ont succédé aux promesses, parfois à la menace et à l’arrogance. Comme il fallait s’y attendre, la patience et la compréhension ont progressivement laissé la place à la révolte. Et pour régler le problème, on a fait appel à la technique bien connue chez nous quand on ne peut pas affronter une difficulté : trouver des boucs-émissaires pour créer un problème dans le problème, le personnaliser quand on est incapable de solutionner le collectif. On trouve ensuite des relais low coast (aussi) pour mentir, diffamer, salir. Jusqu’à décapiter l’équipe. On n’a rien à f… des conséquences et des aspirations du peuple contribuable à la joie d’une victoire. On se débrouillera toujours à tenir en espérant que ce peuple oublie, comme on dit. 

Voilà les faits qui, en plus de lui reprocher la cabale contre PEA et Lemina, expliquent l’indifférence des joueurs qui lui avaient déjà fermé les portes des vestiaires pendant la Can.

Et si nous pouvons nous réjouir de victoires aujourd’hui, c’est parce que nous avons une des meilleures équipes d’Afrique. Tous les spécialistes du football africain sont unanimes dessus. Elle sait gagner dans l’adversité. Elle sait se battre même en possession d’une évaluation au tiers de ses moyens comme devant la RDC. Et ce n’est pas à l’encadrement qu’elle le doit quand celui-ci la démembre au moment où elle a besoin d’être au meilleur de sa forme. Une réforme en profondeur de cet encadrement s’impose aujourd’hui plus que jamais. Car, ce n’est plus du management, c’est de la destruction volontaire. 

Des signaux forts doivent être envoyés pour que ça s’arrête. Pour moins grave que ça, quand l’honneur du pays est mis à mal, quand la vie des compatriotes a fait l’objet d’une négligence coupable, des ministres ont été au moins convoqués devant le Parlement pour s’expliquer. Tout comme une démarche au plus haut niveau de responsabilité de l’Etat est sollicitée pour ramener tous les joueurs qui ont été écartés pour une raison ou pour une autre. De la case risée du continent pour nos phases de préparation clownesques, nous passerons à celle des respectables parmi les leaders.

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