Transition : quand dans un contexte de reconstruction, le DNI veut créer des Gabonais de seconde zone

Les conclusions du Dialogue National tendent à porter atteinte à la Citoyenneté des Gabonais dans contexte de reconstruction d’un édifice nouveau ©ComPrésidentielle

Libreville, 6 Mai 2024 – ( Dépêches 241). Rendues publiques mardi dernier lors de la lecture du rapport général des travaux, les résolutions du Dialogue National Inclusif d’Angondjé continuent de susciter analyses et interprétations. Si ces résolutions étaient fortement attendues, en ce qu’elles seraient les prochains aiguillons à partir desquels le nouveau Gabon s’érigerait, certaines semblent être aujourd’hui source d’une légitime inquiétude, tant elles font le lit à l’idée non saugrenue de l’érection d’une nouvelle classe de compatriotes: les Gabonais de seconde zone.

Le Dialogue National Inclusif veut-il créer des Gabonais de seconde zone ? Les commissaires ont-ils décidé de placer des Gabonais dans des cases en portant atteinte à ce qu’ils ont de plus sacré, c’est-à-dire leur citoyenneté ? L’interrogation peut surprendre par sa formulation, pourtant c’est uniquement en ces termes qu’il convient de la poser aujourd’hui, au regard de certaines recommandations sécrétées par les contributeurs de la commission politique desdites assises.

Sur les conditions particulières pour la candidature à la fonction de Président de la République :« être de nationalité gabonaise de père et de mère de nationalité gabonaise », « être né (e) au Gabon »;

« avoir la nationalité gabonaise unique et exclusive »; « être marié (e) à un conjoint (e) né (e) de père et de mère de nationalité gabonaise »;

« avoir un(e) conjoint(e) à la nationalité gabonaise unique et exclusive » et « avoir résidé 10 ans sans discontinuer sur le territoire national avant le dépôt de candidature ».

Sur les conditions pour être nommé à la tête des ministères dits de souveraineté ( Défense, Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Budget) : « être marié (e) à un (e) Gabonais (e) d’origine », « être Gabonais de père et de mère »

Tout porte à croire que par ces recommandations, les commissaires ont été mal inspirés lors de cette concertation, certainement dominés par des émotions et fantasmes mal contenus ou simplement orientés par des individus qui n’ont pas conscience du caractère attentatoire à la citoyenneté desdites recommandations. Sinon, comment peut-on raisonnablement formuler pareilles propositions pour un pays en reconstruction ? Les commissaires, par ces recommandations, ne seraient-ils pas en train de ruiner l’esprit de ce Dialogue National qui se voulait inclusif ? Rassembleur ? Au final, est-ce un dialogue de l’inclusion ou de l’exclusion ?

Dérive et atteinte à la Citoyenneté

Les contributeurs de cette commission, auraient-ils décidé de balkaniser la société gabonaise, en juxtaposant les Gabonais considérés comme authentiques, à ceux qu’ils convient aujourd’hui d’appeler les Gabonais de seconde zone ? Autant le dire clairement. Si ces recommandations sont traduites en lois, elles représenteraient davantage un recul manifeste loin des aspirations du régime actuel. Car priver des Gabonais ayant l’un des parents étranger, même brillant et compétent, d’accéder à un poste ministériel, au seul motif qu’il n’aurait pas la nationalité uniquement gabonaise reste proprement et assurément discriminatoire.

Pire, barrer la voie de l’élection présidentielle à un Gabonais, au seul motif qu’il serait né à l’étranger, même étant de père gabonais d’origine et de mère gabonaise d’origine, reste outrancièrement injuste. Enfin, empêcher des Gabonais vivants à l’étranger pour des raisons de travail, notamment les diplomates, de prétendre à la fonction présidentielle, est aberrant.

D’autant plus qu’à l’échelle planétaire, même dans les plus grandes puissances mondiales, il a été donné de voir des métisses au sommet de l’État. Barack Obama est l’illustration la plus frappante de cet état de fait, en devenant le premier homme de couleur à occuper la fonction de Président de la République de la première puissance mondiale. Nicolas Sarkozy, fils d’immigrés hongrois, est lui aussi devenu Président d’une super puissance mondiale.

Sans donc aller jusqu’à opérer une comparaison entre le concept d’Ivoirité et le sombre cortège de malheurs qu’il a induit dans un pays frère, ces recommandations pourraient faire le lit à de graves déviances aux conséquences incalculables. Vivement que les membres de la future Constituante prennent suffisamment de hauteur pour ne pas laisser prospérer dans la nouvelle loi fondamentale ces recommandations aux relents d’exclusion et d’injustice.

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