Incarcération de Jean Rémy Yama: La démocratie gabonaise est-elle en danger ?

Jean Rémy Yama est-il en prison pour ses opinions ?? ©DR

Libreville, le 7 avril 2022 (Dépêches 241). Depuis quelques semaines, l’actualité nationale est marquée par l’incarcération à la prison centrale puis la radiation des effectifs de la Fonction publique, de Jean Rémy Yama. Le tout en violation des procédures judiciaires et administratives, selon son avocat et la société civile, qui dénoncent  un acharnement contre le syndicaliste, visant à faire taire une voix discordante. Ceci, au mépris des valeurs démocratiques. 

Le jeudi 25 mars dernier, l’opinion nationale Gabonaise a appris avec stupéfaction, la radiation des effectifs de la Fonction publique, de Jean Rémy Yama. Lequel un mois plus tôt, avait été arrêté dans des conditions rocambolesques à l’aéroport de Libreville, avant d’être jeté à la prison centrale dans le cadre de la tristement célèbre affaire Serpentin. Un scénario, loin d’avoir la perfection d’une partition musicale, tant il a suscité des interrogations.

Notamment de la part du Maître Imbong Fadi, qui a relevé plusieurs irrégularités dans la procédure judiciaire, ayant conduit à l’incarcération de son client. « La garde à vue de Jean Rémy Yama ne se justifie pas car, cette affaire est une affaire civile ou commerciale et le Procureur de la République en son temps, avait déjà reçu les plaignants et il avait classé ce dossier sans suite » avait souligné l’avocat. Et le conseil de s’interroger, « Jean Rémy Yama n’est pas le seul administrateur de la société Serpentin. Ils sont deux. Pourquoi choisir un et laisser l’autre ?» s’est-il questionné. 

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De même, la société civile est montée au créneau, pour dénoncer la radiation des effectifs de la Fonction publique de Jean Rémy Yama. Une fois encore, en violation de la procédure administrative, vu que le syndicaliste a été viré sans autre forme de procès, au mépris des dispositions légales qui accordent un statut particulier aux représentants des travailleurs. 

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Autant d’arguments, qui crédibilisent la thèse de Marcel Libama, lequel dans une lettre ouverte rendue publique samedi dernier, a soutenu que l’arrestation puis la radiation des effectifs de la Fonction publique de Jean Rémy Yama, obéissent en réalité à la volonté de museler ou de bâillonner, le responsable syndical, connu pour ses critiques acerbes contre le régime en place et son mode de gouvernement. «Cette logique implacable est la marque de fabrique d’une dictature qui, lorsqu’elle veut bâillonner le droit de penser, s’attaque physiquement, psychologiquement, et moralement, aux enseignants » a écrit le professeur de mathématiques. 

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Finalement, à la lumière de l’analyse de Marcel Libama, le feuilleton Jean Rémy Yama bien plus qu’une simple affaire judiciaire, interroge sur l’état de la démocratie Gabonaise. Quel enseignement peut-on tirer de la teneur de la procédure judiciaire initiée à la hussarde contre Jean Rémy Yama? Cette procédure n’est-elle pas de nature à crédibiliser l’idée qu’il existe au Gabon une justice aux ordres? Si Jean Rémy Yama est pourfendu pour ses idées, quid du fonctionnement de la démocratie au Gabon? N’est-elle pas en danger? 

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Dans son ouvrage intitulé La société ouverte et ses ennemis, Karl Popper présente la démocratie comme un système politique en perpétuelle construction, avec pour vocation de répondre aux attentes des populations. Pour atteindre ses objectifs, ce système politique doit promouvoir les principes de liberté et d’égalité, en sus de protéger la diversité des opinions. Or dans le contexte Gabonais, il semble évident que l’incarcération de Jean Rémy Yama à la prison centrale, au moment où tous les « fils spirituels » d’Omar Bongo font leur retour à la « maison du père », constitue un véritable coup de poignard donné à la démocratie, en ce que le syndicaliste depuis quelques années, s’est imposé avec maestria, comme l’un des contradicteurs les plus habiles du pouvoir en place. 

Cet emprisonnement qui porte tous les atours d’un règlement de compte, semble donc également rapprocher le pays de la pensée unique qui est en porte à faux avec les valeurs démocratiques. 

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