Ralliement de Eyeghe Ndong à Ali Bongo: Epilogue d’une transhumance annoncée

Jean Eyeghe a finalement regagné sa famille politique après avoir demandé à rencontrer Ali Bongo ©DR

Libreville, 18 août 2021 (Dépêches 241). Les lecteurs avisés de la politique gabonaise l’avaient compris, les plus éclairés et les plus lucides du moins. Les autres, englués dans les méandres du rigorisme politique, ont fait fie de rien voir , de ne rien comprendre, se mettant à leur corps défendant un voile de bonne conscience devant le visage, pour fuire momentanément, le désaveu qui se pointait fatalement à l’horizon. Le 11 août dernier, en matérialisant la réelle teneur de sa rencontre du 9 juin dernier avec Ali Bongo Ondimba, Jean Eyeghe Ndong, s’est trahi, s’est dédit, s’est moqué de ses indéfectibles soutiens et, a, par dessus tout, jeté un discrédit innommable sur la stratégie déjà critiquable du jusqueboutiste Jean Ping.  

« La politique est la fille de l’intérêt et de l’ambition personnelle ». Cette citation d’Etienne de Jouy, issue de son ouvrage , La Morale appliquée en politique, peint assez bien la démarche entreprise au Gabon, par plusieurs leaders politiques ces derniers mois. Une démarche dont le transhumance, le renoncement et le reniement de soi en sont les leitmotivs. 

La récente sortie de Jean Eyeghe Ndong, soldat jadis incorruptible de la galaxie Jean Ping, ne vient que confirmer ce constat amer. Un constat qui remet en cause, la consistance des valeurs de cette génération de vieux briscards de la politique gabonaise, lesquels pour la plupart, au gré des frustrations, ont végété entre opposition et parti au pouvoir, non pas par conviction, mais par opportunisme et par individualisme carriérisme. 

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Le ralliement de Jean Eyeghe Ndong dit « Nze Fe », dernier soutien de poids de Jean Ping à Ali Bongo, n’a choqué que ceux dont la naïveté guident les pas. Ceux ayant refusé de lire les événements avec justesse, préférant considérer tous ces revirements des pros Ping d’antan comme des non-évènements. Pourtant, tout montrait que les solides convictions d’autrefois, de l’ancien Chef du gouvernement, s’étaient ébranlées quand après avoir demandé à rencontrer le chef de l’Etat, il fut reçu le 9 Juin dernier par Ali Bongo Ondimba. 

Ce même Ali Bongo dont il n’a jamais reconnu la légitimité depuis 2016, au lendemain des élections présidentielles et pour lequel, les termes « imposture », « usurpation » étaient souvent choisis avec soin, âme et conscience, pour qualifier le magistère de l’actuel numéro un Gabonais. Souvenons-nous, c’est parce que la Coalition pour la Nouvelle République (CNR) disait avec fermeté et véhémence qu’elle ne reconnaissait pas la « légitimité » du pouvoir d’Ali Bongo, que la consigne a été donnée de boycotter les élections législatives et locales d’octobre 2018, pratiquant ainsi la politique infructueuse de la « chaise vide », et contribuant de ce fait, à la matérialisation du caractère quasiment monocolore de la Représentation nationale (Assemblée nationale et Sénat ). 

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Disons le sans ambages, Jean Eyeghe Ndong à l’instar de Jean Ping a toujours crié à hue et à dia, avec véhémence que le pouvoir et le régime d’Ali Bongo étaient illégitime, à juste titre ou pas. C’était leur positionnement. 

En demandant à rencontrer Ali Bongo Ondimba « président illégitime » , Jean Eyeghe Ndong s’est dédit, piétinant ses convictions d’antan, reconnaissant implicitement le régime du bord de mer, pour aller évoquer une situation personnelle. Sauf à faire usage d’incohérence, on ne peut pas dénier à un homme son statut de président pendant plusieurs années et le reconnaître subitement parce que ne bénéficiant pas du régime spécial de retraite dû aux anciens Premier ministres. C’est un non-sens. 

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« J’ai tout fait pour rencontrer le président qui a bien voulu me recevoir ». Cette phrase sortie le 9 juin dernier par Jean Eyeghe Ndong au terme de son entrevue avec le numéro 1 gabonais, aurait dû alerter les partisans du changement sur le virage à 180 degrés amorcé par le natif de Nkembo et sur sa décision de rejoindre « la maison du père ». 

Après les ralliements au pouvoir de Féfé Onanga, René Ndemezo’o Obiang, Frédéric Massavala, et avant eux Jean de Dieu Moukagni Iwangou ou Michel Menga, le 11 août dernier, Jean Eyeghe Ndong s’est présenté gaillardement dans une posture de « Je Assume », pour annoncer aux Gabonais ce qui sonnait comme une évidence. « Je décide ce jour de me déployer ailleurs que dans la Coalition pour la Nouvelle République et de me mettre à la disposition de la République et par conséquent de l’Etat », a-t-il déclaré. 

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« Ouverte depuis, la porte est désormais enfoncée » indique le journaliste Edgar Nziengui Doukaga sur son compte facebook. Adieu, la promotion du projet politique « A l’abris de la peur et du besoin », fini l’apologie du slogan « On ira jusqu’au bout ». En ralliant Ali Bongo, Jean Eyeghe Ndong, englué dans une stratégie de plus en plus vaporeuse d’une opposition atone, et mis devant le miroir déformant de ses fausses réalités, a abandonné Jean Ping dans un combat dont les partisans semblent y croire, bien plus que son propre promoteur. 

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