
Libreville, 13 octobre 2025 – (Dépêches 241). L’enlèvement présumé d’un ressortissant chinois par des membres des Services Spéciaux Gabonais jette une ombre sur les relations entre Libreville et Pékin, et sur la moralité de certains éléments de nos forces de Défense et de Sécurité. Officiellement évoqué par la représentation diplomatique chinoise, ce rapt soulève des questions sur la stabilité de l’appareil sécuritaire du Gabon et met à l’épreuve l’amitié entre les deux pays.
Ce qui n’était, jusqu’à il y a peu, qu’une rumeur distillée sur les réseaux sociaux par des activistes critiques du régime, s’est transformé en un scandale d’État d’une gravité exceptionnelle, mêlant enlèvement, rançon, fusillade entre agents de la même armée et atteinte à la diplomatie.
Selon plusieurs sources concordantes, dont le journaliste et lanceur d’alerte Jonas Moulenda, un ressortissant chinois, identifié sous le nom de Wang, homme d’affaires établi à Libreville, aurait été enlevé le 29 septembre 2025. L’opération aurait été menée par des éléments de la Direction Générale des Services Spéciaux (DGSS), sous la houlette d’un officier supérieur de la Garde Républicaine, présenté comme un proche parent du Président de la République, Chef de l’Etat, Brice Clotaire Oligui Nguema.
Une rançon de 1,5 milliard CFA réclamée
D’après les informations recueillies, Wang aurait été séquestré au sein même de la Présidence de la République, dans les locaux de la DGSS. Ses ravisseurs auraient exigé une rançon de 1,5 milliard de francs CFA en échange de sa libération.
Alors que le paiement de la rançon était en cours, la Direction Générale des Recherches (DGR), alertée de la disparition par des proches de la victime, aurait intercepté le véhicule transportant Wang et ses ravisseurs. Un échange de tirs nourris s’en serait suivi, selon les images diffusées en direct par Jonas Moulenda, montrant un véhicule criblé de balles et un siège maculé de sang, signe d’une probable blessure grave.
La Chine réagit officiellement
L’affaire a pris une tournure internationale lorsque le chargé d’affaires de l’Ambassade de Chine au Gabon, reçu en audience par le Ministre des Affaires étrangères, Régis Onanga Ndiaye, a reconnu l’incident, jusque-là tu ou minimisé. Dans des propos relayés par notre confrère de Gabon Review, le diplomate a déclaré : « On a aussi parlé d’un incident qui a eu lieu récemment concernant des ressortissants chinois. Je voudrais remercier la partie gabonaise pour ses efforts en vue de protéger la sécurité de nos ressortissants. On espère que ce genre d’incident ne va pas ternir l’image de l’amitié traditionnelle entre la Chine et le Gabon, ni saboter la bonne collaboration entre nos deux pays », a-t-il déclaré.
Par cette déclaration officielle, la diplomatie chinoise a levé le voile sur une affaire jusque-là reléguée au rang de rumeur, confirmant de facto l’existence de faits graves.
Silence radio des autorités gabonaises
En dépit du caractère exceptionnellement grave des faits, un enlèvement avec demande de rançon, une implication présumée d’éléments proches du cercle et de la sécurité présidentielle, une fusillade entre forces de sécurité , ni la Présidence de la République, ni le Gouvernement n’ont, à ce jour, communiqué officiellement. Un silence qui interroge et qui, pour de nombreux observateurs, alimente les soupçons de complicité ou, à tout le moins, de dysfonctionnement grave au sein de l’appareil sécuritaire d’État.
Au-delà de l’impact sur les relations sino-gabonaises, l’affaire met en lumière une dérive inquiétante au sein des services censés garantir la sécurité nationale. Qu’un ressortissant étranger puisse être enlevé et séquestré dans des bâtiments officiels par des agents de la sécurité présidentielle soulève de sérieuses questions sur la moralité des forces en place et la restauration effective des institutions, pourtant érigées en priorité par les autorités du nouveau régime.
Alors que le pays tente de redorer son image sur la scène internationale après le coup d’État d’août 2023, un tel scandale pourrait sérieusement compromettre les efforts de redressement diplomatique et institutionnel engagés depuis deux ans.







