
Libreville, le 14 octobre 2025-(Dépêches 241) Les élections législatives et locales des 27 septembre et 11 octobre derniers ont définitivement scellé le sort de la Ve République. Elles ont consacré l’irrégularité et la fraude massive comme unique système électoral au Gabon. Une situation particulièrement scandaleuse qui a suscité une indignation générale, notamment dès le premier tour du scrutin. Résultat des courses : la première législature de la Ve République sera composée, en majorité, de députés mal élus, ayant sacrifié la crédibilité et la transparence électorale sur l’autel du prestige et des intérêts égoïstes.
De là où se trouve Ali Bongo, il doit aujourd’hui mourir de rire au regard du fiasco électoral des législatives et locales dont le second tour s’est tenu le 11 octobre. Comme un prophète, lors d’une interview accordée à Jeune Afrique depuis sa résidence surveillée, il avait déclaré : « Si vous croyez que le problème du Gabon, c’est la famille Bongo, attendons voir si mes successeurs feront mieux. » L’ex-président ne pensait pas si bien dire. Si le référendum du 16 novembre 2024 et l’élection présidentielle du 12 avril dernier, bien que marqués par de nombreuses failles, semblaient encore acceptables, ces législatives et locales ont manifestement mis à nu le véritable visage des nouvelles autorités. Sans le moindre scrupule, elles ont cautionné, encouragé et accompagné, avec enthousiasme, ce qui apparaît comme la pire organisation électorale de l’histoire politique du pays depuis les années 1990.
Au lieu de sortir des abysses de l’obscurantisme électoral, faits de manipulations, de manigances, de compromissions et de fraudes qui ont longtemps empêché le décollage du pays, ces élections semblent avoir franchi un nouveau cap, installant de facto le Gabon dans une situation bien pire que celle de la pré-transition. Contre toute attente, l’Assemblée nationale, censée refléter les aspirations du peuple gabonais dans toutes ses composantes, se retrouve emplie de personnalités politiques non élues, mais déclarées victorieuses à l’issue d’un scrutin manifestement dénué de transparence, de sincérité et de crédibilité. Malgré les espoirs des populations, le régime post-transition semble avoir choisi de s’enliser dans la même léthargie politique que ses prédécesseurs.
Cette situation est particulièrement grave, honteuse et embarrassante pour le pays. La représentation nationale se trouve composée, en grande majorité, de personnes dépourvues de véritable légitimité. Conséquence directe : comme sous l’ancien régime d’Ali Bongo, le peuple se retrouve lésé, abandonné, trahi et aucune institution restaurée. D’autant que rien n’indique que les lois et décisions prises dans cet hémicycle serviront les intérêts de la population. Plus inquiétant encore, cette assemblée, à la différence de celle du régime déchu qui conservait ses prérogatives et pouvait renverser un gouvernement, a été vidée de sa substance, par le génie de la nouvelle Constitution, laquelle concentre tous les pouvoirs entre les mains du chef de l’État. Transformant le Parlement en simple chambre d’apparat.
À bien y regarder, cette nouvelle Assemblée nationale apparaît comme une récompense offerte aux soutiens du président de la République. Pire qu’une chambre d’enregistrement, elle sera une institution fantôme, d’autant plus que sa composition est largement dominée par l’UDB, parti présidentiel, suivi du PDG, dont les accointances et les connivences ne sont plus un secret. Une situation somme toute logique, puisque le régime post-transition a délibérément choisi de s’approprier à la fois le pouvoir et les pratiques nauséabondes du régime déchu.
Un paradoxe saisissant pour les nouvelles autorités, au regard des engagements et promesses formulées lors de la prise de pouvoir par les militaires le 30 août 2023. Et comme il fallait s’y attendre, dans ces conditions, les raisons qui ont justifié le coup d’État risquent fort de devenir le leitmotiv de la conservation du pouvoir par les nouveaux maîtres du pays. Car, au lieu de rompre avec les paradigmes du passé, ils semblent reproduire à l’identique les schémas de gabegie financière, d’impunité, de détournements de fonds publics, de paupérisation du peuple souverain, de précarisation massive, de corruption et, probablement, d’autoritarisme socio-politique.
Ainsi, la Ve République, censée marquer la rupture et la refondation institutionnelle du Gabon, risque d’accoucher d’un monstre politique pire que ses devancières. L’Assemblée nationale, lieu par excellence du débat démocratique, deviendrait un théâtre d’ombres où la fraude et la compromission tiendraient lieu de légitimité. Dans ce contexte, le peuple gabonais, toujours trahi, n’aurait plus que sa lucidité pour résister à l’imposture et refuser que la « restauration des institutions » ne se transforme définitivement en restauration de la fraude et du cynisme politique.







