Mays Mouissi: « Pourquoi le nouvel emprunt obligataire de 458 milliards XAF pose problème ? »

Mays Moussi, Analyste et Economiste met à nue les incohérences du nouvel emprunt obligataire ©DR

Libreville, le 23 novembre (Dépêches 241). Les  17  et  18  novembre  2021,  le  Gouvernement  gabonais  a  de  nouveau  sollicité  les marchés  internationaux  dans  le  cadre  d’une  émission  obligataire.  Cette  opération  a permis  au  Gouvernement  d’emprunter  800  millions  USD  soit  458  milliards  XAF  à  7% de  taux  d’intérêt  pour  une  maturité  de  10  ans.  Selon  le  Gouvernement  qui  vante  le succès  de  cette  opération,  les  ressources  obtenues  grâce  à  cet  emprunt  serviront  à assurer  le  remboursement  d’un  eurobond  de  2013  de  maturité  similaire  qui  arrive  à échéance  en  décembre 2024.

A  ce  stade,  il  convient  de  souligner  que  le  succès  dont  se  prévaut  le Gouvernement  de  la  République  consiste  à  substituer  une  dette  sur  laquelle pèse  un  taux  d’intérêt  de  6,375%  par  une  dette  nouvelle,  plus  chère,  dont  le taux  d’intérêt  est  de  7%,  soit  62,5  points  de  bases  de  plus  que  l’emprunt  précédent à  la  charge  du  contribuable. Pour  que  nul  n’en  ignore,  il  est  utile  de  rappeler,  que  l’eurobond  de  2013 échéance  2024  pour  le  remboursement  duquel  le  Gabon  vient  à  nouveau  de s’endetter lourdement avait lui-même  pour objectif  d’assurer  le  remboursement d’un  eurobond  précédent  de  2007  échéance  2017.  Cependant,  une  différence majeure  distingue  cette  opération  passée  de  celle  que  le  Gouvernement  vient  de porter  à  la  connaissance  de  l’opinion. 

En  effet,  en  2013,  les  autorités  en  charge  de l’Economie  et  des  Finances  publiques  étaient  parvenues  à  substituer  une  dette  à 8,2%  de  taux  d’intérêt  par  une  dette  à  6,375%,  soit  182,5  points  de  base  de  moins  à la  charge  du  contribuable  gabonais.  Ainsi, si les  emprunts  de  2013  et  de  2021  ont  eu pour  effet  d’étendre le  profil  de  maturité de la  dette  du  Gabon,  l’eurobond  de  2021 accroît  la  charge  de  la  dette  pour  notre  économie  tandis  que  l’eurobond  de  2013  la réduisait. 

Il  paraît  donc  évident  que  l’eurobond  de  2021  n’est  pas  un  si  grand succès  pour  les  finances  publiques  du  Gabon  puisqu’il  accroît  l’encours  de  la dette,  en  étend  la  maturité  et  augmente  la  charge  financière  qui  absorbe  une part sans  cesse  croissante  du budget national.

Au  moment  où  «  l’accélération  de  la  transformation  »  du  Gabon  est  récitée  comme une  antienne  urbi  et  orbi  dans  les  discours  des  membres  du  Gouvernement,  il  est peut-être  temps  d’aller  au-delà  du  simple  slogan  et  de  mettre  en  place  cette accélération  qu’on  peine  à  voir.  Est-il  utile  de  rappeler  que  l’économie  d’un  pays en  développement  ne  peut  être  relancée  que  par  l’investissement  ? 

Au  Gabon particulièrement, un  volume  d’investissements  publics  important  est indispensable  pour  relancer l’économie,  favoriser  les  créations  d’emplois  et réduire  la  précarité.  Or,  comment  penser  relancer  l’économie  quand  dans  son projet  de  loi  des  finances  2022,  le  Gouvernement  consacre  1169  milliards  XAF à  la  dette 1(environ  40%  du  budget  national)  contre  seulement  326  milliards XAF à  l’investissement  public  (environ  11%  du budget)  ?

Le Gouvernement  ayant fait de l’endettement  massif  l’alpha et l’oméga  de  sa politique  économique  et  quitte  à  endetter l’Etat  et  la  collectivité,  les  autorités pourraient  au  moins  le  faire  pour  financer  d’importants  projets  de  développement susceptibles  de  réellement  favoriser  la  croissance. 

Il  pourrait  ainsi  répondre  aux récriminations  des  populations  qui  ne  supportent  plus  la  piètre  qualité  des infrastructures  routières,  des  structures  de  santé  et  d’éducation,  de  vivre  dans  des logements  insalubres  ou  encore  d’être  régulièrement  privées  d’eau  et  d’électricité,  y compris  au  cœur  de  Libreville,  la  capitale. Le  succès  d’un  gouvernement  se  mesure  à  sa  capacité  à  tenir  les  engagements  qu’il a  pris  devant  la  nation  et  pas  au  nombre d’emprunts  qu’il  est  capable  de  lever  sur  les marchés  internationaux.

Mays Mouissi

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