
Libreville, le 12 mai 2025 – (Dépêches 241). Comme Ali Bongo l’avait fait en son temps avec Moundounga et Ngambia, le Président de la République, Chef de l’État, Chef du Gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema, en nommant Henri Claude Oyima au poste de Ministre de l’Économie, des Finances, de la Dette, des Participations et de la Lutte contre la Vie chère, vient de réitérer le même exploit en faisant de lui un membre providentiel du Gouvernement. Cinq portefeuilles stratégiques pour Oyima, alors qu’il n’en est qu’à sa première expérience gouvernementale. Comme quoi, en Oligui Nguema, peut sommeiller quelques réflexes de son cousin et prédécesseur Ali Bongo Ondimba, coutumier du fait pendant ses deux magistères.
Selon une partie de l’opinion, la nomination d’Henri-Claude Oyima dans ce premier Gouvernement de la Cinquième République, avec un tel cumul de portefeuilles se retrouve dans la même configuration que plusieurs personnalités du régime déchu, dont l’un a été recyclé au sein de cette Transition. En effet, concentrer autant de responsabilités stratégiques entre les mains d’un seul homme expose le pays à des risques de dérive autoritaire, susceptibles d’accentuer l’incertitude plutôt que de favoriser un redressement. Certes, le nouveau ministre dispose d’une expertise exceptionnelle vieille de près de quatre décennies dans le secteur financier et bancaire, mais il ne faut pas perdre de vue que l’être humain est en enclin à l’abus dès lors qu’il se sent en position de force. Il n’est donc pas souhaitable qu’un seul homme, aussi expérimenté soit-il, devienne l’alpha et l’oméga de tout l’appareil économique de l’État.
D’ailleurs, l’histoire récente de Gabon enseigne que de telles pratiques ont déjà existé, notamment sous le magistère d’Ali Bongo Ondimba, qui avait fait de Séraphin Moundounga l’homme providentiel de son Gouvernement, à travers un cumul excessif de portefeuilles ministériels. Ce fut le cas dans le Gouvernement Ndong Sima de 2012, où l’homme de Moabi était Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et Technique et de la Formation Professionnelle, Chargé de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, soit quatre (4) portefeuilles ministériels. Comme on pouvait s’y attendre, le résultat fut l’un des plus médiocres. Le personnage s’était illustré par un orgueil inqualifiable, un mépris affiché envers ses collaborateurs, et une inefficacité notoire sur le terrain. Le délabrement actuel de l’Université Omar Bongo en est une conséquence, malgré les importants moyens mobilisés par l’État pour sa modernisation et l’amélioration des conditions de travail des enseignants et des étudiants.
Dans la même équipe gouvernementale Ndong Sima de 2012, un autre ministre est fait presque « Dieu » par Ali Bongo Ondimba. Il s’agit de Magloire Ngambia nommé Ministre de la Promotion des Investissements, des Travaux Publics, des Transports, de l’Habitat et du Tourisme, chargé de l’Aménagement du Territoire et donc bardé de cinq (5) portefeuilles ministériels. Défié par cette puissance abusive, il se fait même appeler le « ministre du Ciel et de la Terre ». La suite on la connaît. Englué dans les malversations financières, il sera pris dans les filets de l’opération anticorruption dénommée « Mamba », il sera incarcéré le 10 janvier 2017 à la prison centrale de Libreville, accusé et condamné pour détournement de fonds (500 milliards), et de corruption passive dans des dossiers de construction de logements et de routes notamment liés à l’homme d’affaires italien Guido Santullo devant la Cour criminelle spéciale.
De la nécessité de tirer les enseignements du passé, afin de ne point commettre les mêmes erreurs
Ces expériences peu reluisantes devraient interpeller. Il ne s’agit nullement ici de faire un procès d’intention à l’encontre de Henri-Claude Oyima, dont les qualités dans le secteur bancaire, tant sous-régional qu’international, sont reconnues. En tant que Gabonais, son parcours ne peut que susciter admiration et fierté. Mais il s’agit plutôt d’anticiper les risques de dérive. Le poste de Ministre de l’Économie et des Finances, à lui seul, exige un engagement total. Dès lors, il paraît difficile d’y adjoindre d’autres portefeuilles tout aussi exigeants sans courir le risque d’un éparpillement nuisible à l’efficacité de l’action gouvernementale. Une telle situation pourrait non seulement compromettre les résultats attendus, mais aussi porter atteinte à la réputation du Ministre lui-même.
La prévoyance étant une qualité essentielle pour une gouvernance efficace, il est important de ne pas ignorer les leçons du passé. En transformant les erreurs en enseignements, nous pourrons espérer un avenir meilleur. Il aurait donc été plus judicieux de ne pas surcharger le Président du Conseil d’Administration de la BVMAC de tant de responsabilités à la fois, afin de lui permettre de se concentrer pleinement sur les questions économiques et financières, où son expertise est incontestable. Cela éviterait que cette première expérience gouvernementale ne se transforme en véritable fiasco.
Espérons donc que le Président Oligui Nguema sache précisément pourquoi il a fait le choix de confier à l’actuel PDG du groupe BGFIBank ces lourdes responsabilités sous fond de conflit d’intérêts dans ce premier Gouvernement. Car, au regard des nombreuses urgences et des attentes pressantes de la population, il n’y a plus de place, dans cette Cinquième République, pour les décisions non réfléchies. Il est temps de capitaliser sur la grande expérience de ce financier chevronné, dans l’intérêt du Gabon.