Affaires Oyima, exfiltration des Bongo, l’île Mbanié et la rencontre avec Sassou Nguesso à Paris: communication présidentielle, l’empire du silence ? 

La communication présidentielle sous le Ve République peine à prendre son envol et semble, pour l’heure, s’inscrire dans le sillage de la dernière équipe © DR

Libreville, le 27 mai 2025 – (Dépêches 241). Comme l’ancienne, la nouvelle équipe du département Communication de la Présidence de la République semble ne pas dominer leur rôle et les enjeux d’une prise de parole présidentiel par les temps d’inquiétude, et ce, alors que le pays est profondément secoué par plusieurs scandales mettant en jeu la crédibilité des Institutions de l’État, notamment ceux liés aux conflits d’intérêts suscités par la multiple casquette de Henri-Claude Oyima, à la fois membre du Gouvernement et PDG de la holding BGFIBank, l’exfiltration controversée de la famille d’Ali Bongo, le différend territorial entre le Gabon et la Guinée équatoriale ou encore la rencontre entre Oligui Nguema et Sassou Nguesso à Paris, la communication présidentielle demeure étrangement silencieuse. Une attitude d’autant plus préoccupante qu’elle contraste avec les nombreuses attentes des Gabonais.

Décriée par de nombreux observateurs de la vie politique nationale, la communication présidentielle ne semble toujours pas répondre convenablement à ses obligations, lesquelles exigent des réactions rapides, mesurées et claires face à chaque événement majeur engageant l’État. Malheureusement, ce département, véritable pilier de la transparence et de la mise en œuvre de la politique présidentielle, demeure irrémédiablement muet même dans la Ve République censée rompre avec les assuétudes du régime ancien. Et pourtant, les récentes nominations issues du premier Conseil des ministres de la Ve République laissaient entrevoir une volonté de corriger plusieurs de ces insuffisances. Hélas, la communication présidentielle s’enlise davantage dans un mutisme, préférant laisser la place à la spéculation, au « Kongossa » ordurier alors même que sa mission première est d’éclairer l’opinion publique sur les grandes décisions de l’État.

Ce fut notamment le cas avec l’actualité relative à l’exfiltration autorisée par le Président de la République Brice Clotaire Oligui Nguema, vers Luanda, en Angola, d’Ali Bongo Ondimba et sa  famille, alors qu’aucune enquête ne semble avoir été menée ni sur leur patrimoine, ni sur leur gestion du pouvoir et encore moins sur les crimes de Haute Trahison et de falsification de la signature du Président de la République tels que retenus par la justice gabonaise. Ces départs alimentent les spéculations sur une éventuelle protection implicite ou un arrangement tacite entre la famille Bongo et les autorités actuelles. L’absence de prise de parole officielle par les équipes de communication de la Présidence de la République nourrit ainsi le doute quant à la volonté réelle du Gouvernement de rompre avec l’impunité.

Outre les cas des Bongo, il y a aussi celui du PDG du Groupe BGFIBank. Depuis la nomination d’Henri-Claude Oyima au prestigieux poste de Ministre de l’Économie, des Finances, des Participations, de la Dette et chargé de la Lutte contre la vie chère,  une fonction qui fait de lui le « Ministre du Ciel et de la Terre » au sein du Gouvernement Oligui Nguema, tout en conservant son poste de PDG du Groupe BGFIBank, un conflit d’intérêts manifeste a été établi au regard de la loi. Henri-Claude Oyima se retrouve aujourd’hui au cœur d’un conflit d’intérêts toujours actif au sein de l’appareil économique gabonais, sans qu’aucune réaction officielle ne soit émise par la communication présidentielle.

Plus proche de nous, il y a également la question de l’île Mbanié qui tend à raviver les tensions diplomatiques avec la Guinée équatoriale et préoccupe sérieusement les populations gabonaises qui ne comprennent pas le verdict de la Cour Internationale de Justice (CIJ), alors que le Gabon semblait avoir un avantage dans ce différend. Certes très ancien, ce différend frontalier reste un point sensible, symbolique des enjeux géostratégiques régionaux. Là encore, la cellule communication présidentielle n’a pas apporté de clarification sur l’état actuel de la situation ou des mesures envisagées pour rassurer l’opinion, à l’exception d’une vague publication de Brice Clotaire Oligui Nguema himself sur sa page Facebook officielle, appelant à la retenue.

Puis, dernièrement, une rencontre à Paris entre le numéro un gabonais et son homologue du Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso. Là aussi, l’information a été rendue publique par la télévision nationale congolaise, plongeant les populations gabonaises dans l’incompréhension totale. Pourquoi la communication présidentielle continue-t-elle de rester silencieuse sur les activités du Chef de l’État depuis son départ du Gabon, depuis bientôt 10 jours ? 

En lieu et place d’informer et de rassurer les gabonaises et les gabonais sur les grandes questions qui engagent la vie de la Nation, cette dernière a préféré organiser un déjeuner de presse dans le but d’échanger avec les médias locaux sur leur future collaboration, alors même que de nombreux sujets brûlants dominent l’actualité nationale. Au moment où les gabonais continuent d’attendre des réponses sur tous ces sujets, ni la nouvelle Cheffe du département de la Communication de la Présidence de la République, Patricia Lydie Mouelé, ni le nouveau porte-parole du Palais Rénovation, Théophane Nzame Biyoghe, ne semblent enclins à s’exprimer sur ces questions.

Face à tous ces dossiers d’une ampleur grave, le silence prolongé de la communication présidentielle contraste avec les attentes de l’opinion. Dans une Ve république encore naissante et délicate, ce mutisme pourrait être perçu comme un manque de transparence ou un calcul politique risqué. Dès lors, il appartient désormais aux autorités de restaurer la confiance en s’exprimant clairement sur ces sujets brûlants.

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