Libreville, le 20 février 2024 (Dépêches 241). Les relations entre le Comité de transition pour la restauration des institutions et François Ndong Obiang auraient été brouillées par un ensemble de décisions prises par les militaires. C’est la thèse défendue par Maldrich Mabicka dans cette tribune que nous publions in-extenso.
Depuis la formation du premier gouvernement et la nomination des parlementaires jusqu’à la récente désignation des délégués spéciaux, ainsi que les nominations dans l’administration publique et paraplégique, il est évident que le président Oligui Nguema et ses collègues du CTRI ont fait leurs choix pour l’avenir de la transition. Dans ces choix, il semble que RÉAGIR et François Ndong Obiang soient en retrait, étant donné que le poste de vice-président de l’Assemblée nationale qu’il a obtenu est en deçà de son niveau de leadership politique et de son rôle dans la mise en place de la transition, ainsi que du capital de sympathie qu’il a auprès de l’opinion publique aujourd’hui. Est-ce une décision intentionnelle du président Oligui Nguema et du CTRI pour freiner la dynamique de Ndong Obiang et de RÉAGIR, ou simplement des erreurs de casting ?
Lors d’un petit-déjeuner de presse le lundi 7 février 2024, François Ndong Obiang, Premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale de transition, a exprimé son soutien au gouvernement actuel, en louant ses résultats tout en reconnaissant que l’axe principal de la transition était conservé. Il a également souligné l’importance de rester vigilant. Cependant, il a confirmé les critiques de la majorité de la population gabonaise en mettant en doute le choix de certains collaborateurs qui pourraient compromettre le succès de la transition. On peut se demander si cette attitude franche justifie leur exclusion.
L’inimitié à peine dissimulée entre les autorités de la transition et un ancien allié a atteint son apogée lors de la nomination de délégués spéciaux pour la province de l’Estuaire. Ndong Obiang, leader du parti RÉAGIR, a été complètement ignoré par les autorités du pays, car son parti n’a obtenu aucun délégué spécial dans sa propre province. Pour aggraver les choses, le parti a obtenu quelques postes dans la province du Haut-Ogooué, ce qui suscite des soupçons de complot parmi certains cadres de RÉAGIR. Ces soupçons reposent sur le fait que en dehors de François Ndong Obiang lui-même, les deux autres parlementaires de RÉAGIR viennent de cette province. Ce choix donne l’impression qu’il y a une véritable volonté de réduire l’influence du leader de RÉAGIR dans son bastion politique, en faisant croire à tous que RÉAGIR est un parti régional alors qu’il se veut national.
En effet, comme l’a souligné l’abbé Bruno Ondo lors de l’introduction du déjeuner de presse, François Ndong Obiang, Président d’Alternance 2023, a focalisé l’espoir d’un peuple qui souhaitait un changement à travers la désignation d’un candidat consensuel. De nombreux compatriotes ont salué ses compétences politiques et son talent d’orateur. Son arrivée sur la scène politique avec son parti politique RÉAGIR a été décisive pour le succès du 30 août. Au début, le Président Oligui Nguema a montré son appréciation envers lui, ce qui correspondait à la situation politique du moment et aux aspirations profondes du peuple: avec Ondo Ossa et ses pairs d’Alternance 2023, Ndong Obiang incarnait le visage du nouveau Gabon. Cependant, cet homme qui n’avait jamais fait partie du Parti Démocratique Gabonais avait probablement une vision et une approche différentes de celles des personnes habituées au vieux système.
Certains critiques estiment que la mise à l’écart présumée ou réelle d’une personne comme lui incite certains de ses proches à penser qu’il serait préférable pour lui et sa famille de renoncer à ces quelques postes qu’il a obtenus afin de se concentrer sur la construction de l’avenir du parti et du Gabon. Cependant, cette option, bien que gênante, pourrait déclencher une crise politique profonde, susceptible de perturber le bon déroulement de la transition. Lorsque la confiance entre les différentes parties se détériore, cela peut engendrer un climat de méfiance et de confrontation qui nuit au bien-être général de la société. Le favoritisme, le clientélisme et la gestion des nominations de manière non inclusive aggravent cette situation.
La mauvaise répartition des postes et la promotion du favoritisme ont des conséquences politiques dévastatrices, qui minent la confiance du public envers le gouvernement, sapent l’efficacité des institutions et alimentent le ressentiment et la division au sein de la société. Lorsque les postes ne sont pas attribués en fonction du mérite et des compétences, mais plutôt en fonction de relations personnelles ou familiales, les effets néfastes sont multiples..
En effet, le népotisme et la mauvaise répartition des postes contribuent à une polarisation accrue de la société. Lorsque certains groupes se sentent lésés par des pratiques de distribution des postes injustes, cela alimente la division et le ressentiment. Cette polarisation peut conduire à une escalade des tensions politiques, à une augmentation des conflits interpersonnels et à une diminution de la cohésion sociale, ce qui affaiblit la capacité d’un pays à faire face aux défis communs.
En ce qui concerne la dimension internationale, il convient de souligner les effets négatifs potentiels du népotisme et de la mauvaise répartition des postes sur la réputation d’un pays à l’échelle mondiale. Lorsque la gouvernance est marquée par des pratiques favorisant les proches et les alliés politiques au détriment de l’intérêt général, cela affaiblit la crédibilité et l’influence du pays sur la scène internationale. Cette situation peut entraîner une perte de confiance de la part des partenaires étrangers et nuire aux efforts diplomatiques et à la coopération internationale.
Face à ces conséquences potentielles, il est crucial que les autorités étatiques et leurs partenaires historiques cherchent à apaiser les tensions et à renouveler leur relation. Un dialogue ouvert, fondé sur la confiance mutuelle et la reconnaissance des intérêts communs, est essentiel pour rétablir une collaboration positive et productive. Il est également crucial de reconnaître et de surmonter les obstacles structurels qui peuvent avoir contribué à la détérioration de la relation, et de s’engager dans des actions concrètes pour rétablir un partenariat solide et durable. Cela peut nécessiter des compromis, une réflexion critique et une volonté de changer les pratiques et les normes existantes, mais c’est indispensable pour prévenir les conséquences négatives qui semblent se profiler sans raison apparente étant entendu que François Ndong Obiang est reconnu comme étant un homme pondéré, courtois, avisé et très ouvert.
Maldrich MABICKA,