
Libreville, le 1er mai 2025 – (Dépêches 241). En mobilisant plus de 1 400 milliards FCFA, l’opération baptisée « MOUELE » marque un tournant dans la gestion de la dette intérieure du Gabon. Cette restructuration, articulée autour de trois volets, reprofilage de la dette sur le marché régional, titrisation de créances bancaires et mobilisation de ressources nouvelles, vise à désamorcer une situation de refinancement pour le moins critique. Derrière cette manœuvre technique, se profile un choix politique fort : celui de privilégier la réorganisation de la dette existante plutôt que la réduction de sa croissance.
En février 2025, la dette intérieure atteignait 2196 milliards FCFA, avec une concentration inquiétante des échéances entre 2025 et 2027. Cette accumulation à court terme, reflet d’une gestion budgétaire opportuniste, exposait le pays à une asphyxie financière imminente. MOUELE a permis d’allonger la maturité moyenne de la dette à 6 ans, avec des obligations du Trésor désormais étalées sur 9 ans, incluant deux années de grâce. Mais cette extension ne règle pas la question de l’efficacité des dépenses publiques ni celle de la soutenabilité à long terme.
Le gain annoncé de 680 milliards FCFA, dont 494 milliards en marge de manœuvre budgétaire, constitue un répit. Toutefois, cette manne reste fragile si elle ne s’accompagne pas d’une réforme rigoureuse de la politique budgétaire. La réduction de la pression immédiate ne garantit pas une sortie de l’endettement structurel. Ce sursis doit impérativement être mis à profit pour améliorer la qualité de la dépense publique et renforcer les capacités de génération de revenus internes.
L’opération MOUELE, bien qu’encadrée par des partenaires techniques tels que la Banque mondiale, le FMI ou l’AFD, reste dépendante d’une volonté politique de rupture, avec les pratiques passées. Le soutien de dix banques régionales montre que la confiance existe encore, mais elle est conditionnée à la transparence et à l’orthodoxie budgétaire.
Comme on peut le constater, l’opération MOUELE est un exercice habile de gestion de crise, mais il ne peut devenir une stratégie permanente. Le risque, pour le Gabon, serait de confondre réaménagement technique et redressement structurel. Sans une meilleure discipline financière, la dette réorganisée aujourd’hui pourrait redevenir insoutenable demain. Pour devenir un modèle régional, il devra donc s’accompagner d’un engagement résolu en faveur de la discipline budgétaire, de la transparence et de la redevabilité, au risque de devenir un outil de confort temporaire, incapable d’inspirer une nouvelle trajectoire pour la région.