
Libreville, le 1er Mai 2025 – (Dépêches 241). Avec son projet d’expansion estimé à 40 milliards de FCFA, la Société gabonaise de raffinage (Sogara) ambitionne de tripler sa capacité de production d’ici 2030. Le plan, détaillé au ministre du Pétrole le 28 avril dernier, repose sur deux phases : modernisation de l’unité actuelle de Port-Gentil, puis construction d’une nouvelle raffinerie sur 130 hectares. Objectif affiché : transformer 2,8 millions de tonnes de pétrole brut par an, contre 900 000 actuellement, et couvrir tous les besoins du pays. Sur le papier, c’est séduisant. Mais les antécédents de la Sogara, les contraintes de financement, et l’état général de la gouvernance du secteur pétrolier au Gabon invitent à la prudence.
En 2023, le Gabon a importé pour 655 milliards FCFA de produits pétroliers raffinés. L’argument de la substitution aux importations est donc réel. Toutefois, les chiffres annoncés par la Sogara interrogent : 2,5 milliards FCFA pour moderniser une unité vieillissante et doubler la production d’ici 2027, cela semble largement sous-évalué au regard des standards internationaux. Par ailleurs, aucune information claire n’est donnée sur le mode de financement de la seconde phase – la plus coûteuse – ni sur les investisseurs associés au projet.
Autre point d’attention : la question de la rentabilité. L’expansion projetée suppose que le Gabon puisse écouler près de 2 millions de tonnes supplémentaires de carburant d’ici 2030. Or, le marché national plafonne à 1,1 million de tonnes. À moins d’envisager une stratégie d’exportation régionale, dont rien ne garantit la faisabilité logistique et commerciale, l’investissement risque de générer des surcapacités coûteuses à amortir. D’autant que l’entretien de deux unités de raffinage exigera une réorganisation industrielle que la Sogara peine déjà à assurer dans son format actuel.
Les promesses environnementales qui s’articulent autour de la désulfuration et du traitement des gaz, relèvent pour l’instant de l’effet d’annonce. La Sogara, en difficulté financière chronique, n’a jamais été un modèle de performance industrielle ni de transparence comptable. Sans audit public, ni plan détaillé d’exécution, ce projet risque de se transformer en gouffre budgétaire, ou pire, en argument électoral de circonstance.
Le projet d’expansion de la Sogara, présenté comme un jalon vers l’autosuffisance énergétique du Gabon, semble donc s’inscrire dans une dynamique politique plus que dans une stratégie industrielle maîtrisée. En annonçant la modernisation de l’unité de Port-Gentil et la construction d’une nouvelle raffinerie d’ici 2030, la direction de l’entreprise et le ministère du Pétrole entendent faire oublier des années de sous-investissement. Mais les deux parties semblent oublier qu’il était plutôt question sous l’ancien régime, de privatiser l’outil productif. Ce qui a bien des égards, avait tout son sens.