
Libreville, le 16 Mai 2025 – (Dépêches 241). L’arrivée de Sosthène Nguema Nguema à la tête du ministère du Pétrole et du Gaz intervient dans un contexte économique périlleux pour le Gabon. Alors que le gouvernement avait bâti l’ensemble de sa programmation budgétaire pour 2025 sur une hypothèse optimiste d’un baril à 85 dollars, le prix du Brent plafonne depuis plusieurs mois autour de 65 dollars. Cet écart de 20 dollars représente un choc budgétaire de grande ampleur pour un pays dont plus de 40 % des recettes fiscales dépendent directement du secteur pétrolier. C’est une équation comptable difficilement solvable sans révisions majeures, ni arbitrages douloureux.
Les 7000 milliards de FCFA d’investissements promis par le président de la République pendant campagne risquent de se heurter très vite à la dure réalité des marchés. Chaque baisse de 10 dollars du baril correspond à un manque à gagner estimé à plus de 150 milliards FCFA pour les caisses de l’État. Autrement dit, le simple décalage entre la prévision gouvernementale et la réalité des cours du pétrole pourrait provoquer un trou budgétaire supérieur à 300 milliards FCFA. Cette situation place d’emblée le nouveau ministre face à un défi majeur : comment garantir la soutenabilité des finances publiques dans un contexte de recettes dégradées ?
L’argument de la diversification énergétique, souvent invoqué comme un rempart face à la volatilité pétrolière, reste pour l’heure largement théorique. Aucun projet majeur de gaz naturel liquéfié (GNL), de transformation locale ou de valorisation du gaz associé n’a encore franchi le cap de la mise en œuvre concrète même si celui de Perenco poursuit son ascension. Quant aux gisements matures rachetés à grands frais, à l’instar d’Assala, ils peinent à délivrer les résultats attendus. Le pari fait par le gouvernement sur une souveraineté énergétique reste à ce jour sans effet sur les équilibres macroéconomiques. Et dans ce contexte de prix bas, les compagnies étrangères sont peu enclines à investir dans l’exploration gabonaise, considérée comme coûteuse et incertaine.
Face à ce déséquilibre, la stratégie de l’emprunt massif semble se substituer progressivement à une véritable politique de gestion des ressources. En témoigne le recours à un Eurobond de 370 milliards FCFA prévu pour cette année, alors même que le service de la dette dépasse déjà 11 % des recettes fiscales. Cette fuite en avant accentue la vulnérabilité financière du pays, tout en repoussant les réformes structurelles nécessaires. La résilience budgétaire ne peut pourtant pas reposer éternellement sur des artifices comptables et des émissions obligataires à taux élevés.
Le nouveau ministre hérite donc d’une position inconfortable : maintenir l’illusion d’une stratégie pétrolière florissante dans un contexte où les recettes se dérobent et les marges se réduisent. La transition énergétique mondiale impose au Gabon de repenser en profondeur son modèle économique, mais le court-termisme budgétaire et les annonces sans financement continuent de dominer. À 65 dollars le baril, la réalité rattrape brutalement les projections du gouvernement. Et le réveil pourrait être brutal.