
Libreville, le 21 Mai 2025 – (Dépêches 241). La récente nomination d’Alain-Claude Kouakoua à la tête de la Fédération des Entreprises du Gabon (FEG) soulève de sérieuses interrogations sur la compatibilité de ses fonctions actuelles avec les exigences de transparence dans une économie en refondation. En effet, celui qui est désormais le chef de file du patronat gabonais occupe toujours la présidence du conseil d’administration de la CNAMGS, bras social de l’État, gérant des milliards de FCFA en cotisations, subventions et programmes de solidarité nationale. Cette position hybride, entre responsabilités publiques et défense des intérêts privés, constitue un terrain fertile pour des conflits d’intérêts majeurs.
La FEG, faut-il le rappeler, fédère des entreprises qui représentent plus de 95% du PIB gabonais. Elle est aujourd’hui l’un des principaux interlocuteurs de l’État en matière de dialogue économique, de fiscalité, de réforme de la commande publique et de stratégie d’investissement. Dans ce rôle, Alain-Claude Kouakoua devra théoriquement défendre les intérêts de ses pairs face à l’État dont il est simultanément un acteur stratégique à travers la CNAMGS. Comment peut-on garantir une position neutre et équitable lorsqu’on pilote à la fois un levier de redistribution publique et la principale organisation patronale du pays ?
La situation devient d’autant plus sensible et incommodante que le groupe Mika Services, propriété de Kouakoua, est bénéficiaire de plusieurs marchés d’envergure dans le secteur des infrastructures. L’homme d’affaires est intervenu sur des chantiers stratégiques comme les ronds-points de l’ACAE ou des Charbonnages, et d’autres projets d’aménagement urbain portés par l’État. Dès lors, l’indépendance de ses choix à la tête de la FEG ou de la CNAMGS peut légitimement être remise en cause. Peut-on plaider pour la moralisation de la commande publique tout en étant potentiellement juge et partie ?
Ce passage de témoin entre Henri-Claude Oyima et Alain-Claude Kouakoua, deux proches sur le plan personnel et professionnel, alimente également les soupçons de continuité entre les réseaux d’influence économique et les plus hautes sphères du pouvoir exécutif. Alors qu’ Henri Claude Oyima rejoint le gouvernement comme super ministre de l’Économie et des Finances, Alain-Claude Kouakoua prend la tête du patronat faisant prospérer l’idée d’une nomination aux allures de « copains et coquins », tout ce contre quoi la Ve République dit s’opposer. Ce jeu de chaises musicales entre amis de longue date dessine les contours d’un capitalisme d’État étroitement verrouillé, où les contre-pouvoirs risquent d’être neutralisés.
Dans une Ve République qui se veut celle de la rupture et de la transparence, cette concentration de pouvoirs, à cheval entre service public, marché privé et influence institutionnelle, envoie un mauvais signal. La refondation économique ne saurait se construire sur des arrangements entre puissances établies. Elle exige un cadre de gouvernance clair, une séparation stricte des rôles, et des garde-fous efficaces contre les conflits d’intérêts. Faute de quoi, les discours de moralisation risquent de n’être que des promesses sans lendemain, des vœux pieux et des promesses de Gascon.