
Libreville, le 22 Mai 2025 – (Dépêches 241). Dans un contexte budgétaire tendu et marqué par un besoin urgent de ressources, le gouvernement gabonais fait le pari risqué de transformer les jeux de hasard en levier économique. Présentée comme une opération de régulation et de moralisation, cette initiative, annoncée le 21 mai 2025, dissimule mal une logique opportuniste de captation fiscale. L’État, en quête de financements pour compenser l’inefficience de ses politiques économiques, choisit d’exploiter un secteur notoirement associé à la précarisation sociale, l’addiction et l’informalité.
Derrière la rhétorique d’un « devoir républicain », la démarche soulève de sérieuses interrogations éthiques et sociales. Promouvoir les jeux de hasard dans une société où le chômage de masse, l’exclusion sociale et le sous-emploi sont endémiques revient à fragiliser encore davantage les couches les plus vulnérables. Loin d’être un simple loisir, le jeu devient pour beaucoup un mirage de richesse rapide, avec pour corollaire une spirale d’endettement, de désespoir et de marginalisation. Or, aucun dispositif crédible de prévention contre l’addiction n’est pour l’instant opérationnel.
L’argument économique avancé, selon lequel le secteur pourrait générer plus de 10900 emplois et rapporter des milliards à l’État, repose sur des projections floues, sans données fiables. Le gouvernement lui-même admet ne pas connaître le nombre d’emplois existants dans ce secteur, ni le chiffre d’affaires réel généré. Comment alors justifier une telle réforme sans étude d’impact indépendante ni cadre légal clarifié ? La promesse de régulation via une société nationale (ETECH), certes gabonaise, n’efface pas le flou entourant les futures obligations fiscales, la protection des usagers et la transparence des recettes.
En se lançant dans la régulation des jeux de hasard comme instrument de politique publique, l’État semble surtout abandonner ses responsabilités sociales. Plutôt que de renforcer la production, d’investir dans les PME ou d’accroître la transparence budgétaire, il choisit une voie de facilité, aux conséquences sociales potentiellement explosives. Encourager la prolifération des jeux revient à institutionnaliser la spéculation sur la misère et à normaliser des pratiques aux effets dévastateurs sur le tissu social.
À terme, cette stratégie risque d’enrayer davantage le fragile équilibre socio-économique du Gabon. Elle accentue la perception d’un État déconnecté des priorités réelles de sa population et en quête de recettes à n’importe quel prix. Une politique de court terme qui, sous couvert de régulation, risque d’ouvrir la porte à un nouveau fléau social, aux antipodes de la mission protectrice de l’État.