Gabon : Oyima met la pression sur les entreprises publiques…mais que cache cette soudaine rigueur ?

Henri Claude Oyima, prend les choses en main et entend imposer sa rigueur © DR

Libreville, le 23 Mai 2025 – (Dépêches 241). La circulaire est tombée comme un couperet : Henri-Claude Oyima, ministre de l’Économie, exige que les services publics personnalisés (SPP) lui transmettent sous sept jours l’ensemble de leurs documents de gestion pour les années 2022 à 2024. Procès-verbaux de conseils d’administration, états financiers, rapports des commissaires aux comptes, justificatifs de paiement des dividendes dus à l’État…, tout doit remonter en urgence à la tutelle. Une exigence qui, sur le papier, relève du bon sens administratif. Mais à y regarder de plus près, elle traduit surtout l’aveu d’un système laissé à la dérive depuis des années.

Si cette injonction sonne comme un sursaut d’autorité, elle révèle aussi une faillite du pilotage de ces structures. Sur les 119 SPP recensés dans l’administration, seuls 83 ont partiellement remis et apporté les informations demandées. Ce chiffre, issu des propres annexes budgétaires du gouvernement, illustre l’ampleur du désordre. Comment un État peut-il prétendre gérer ses finances publiques de manière rigoureuse quand il ignore jusqu’à l’existence comptable d’un tiers de ses entités ? Pire : les dépenses de personnel dans ces entités ont bondi de 43% entre 2019 et 2021, alors même que leurs recettes stagnent, transformant peu à peu ces SPP en gouffres budgétaires.

Et pour cause : dans ces structures, seuls 4% des dépenses sont consacrés à l’investissement, contre 54% dédiés aux biens et services. Une répartition ubuesque, symptomatique d’un système clientéliste où la dépense sert d’abord à faire vivre une élite bureaucratique, sans souci de performance ni de viabilité. Les entreprises publiques, au lieu d’être des leviers de croissance ou de création d’emplois productifs, sont devenues des outils de redistribution rentière. Ce que cette réforme tarde encore à dénoncer frontalement.

La soudaine rigueur d’Henri-Claude Oyima, par ailleurs ancien président du patronat et toujours influent dans le secteur privé, pose aussi question. Pourquoi ce tournant maintenant ? Et pourquoi n’a-t-il pas été enclenché plus tôt, lui qui connaît intimement les circuits financiers de l’État ? Le passage de flambeau entre Oyima et Alain-Claude Kouakoua à la tête de la FEG, dans un climat de collusion entre sphères publique et privée, jette un flou sur les motivations réelles de cette « remise en ordre ».

En réalité, plus qu’un sursaut de bonne gouvernance, cette opération ressemble à une tentative de reprise en main technique d’un chaos budgétaire devenu trop visible. Mais sans refonte profonde de la gouvernance des SPP, sans audits indépendants, ni sanctions pour les dirigeants défaillants, cette manœuvre risque de n’être qu’un nouvel écran de fumée. À l’heure où le gouvernement multiplie les emprunts, la transparence ne doit pas être un slogan : elle doit devenir une obligation.

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