
Libreville, le 28 mai 2025 – (Dépêches 241). Alors que les autorités gabonaises multiplient les discours en faveur de la sécurité alimentaire, une donnée de la FAO met en lumière un paradoxe saisissant : au Gabon, il faut en moyenne 4 dollars par jour pour accéder à une alimentation saine, soit environ 2 400 FCFA. Ce chiffre place le pays parmi les plus chers du continent africain en matière de nutrition équilibrée, loin derrière des États comme le Soudan (1,9 $ soit 1 140 FCFA) ou le Togo (3,2 $ soit 1 920 FCFA). Pour de nombreux ménages, cette réalité rend l’accès à une alimentation de qualité économiquement inabordable.
Le rapport de la FAO sur le Coût d’une Alimentation Saine (CoHD), publié récemment, révèle que le Gabon fait partie des 15 pays africains les plus onéreux sur ce plan. Cette classification prend en compte le coût minimal nécessaire pour se nourrir sainement en respectant les besoins énergétiques journaliers (2 330 kcal), en s’appuyant sur une alimentation variée. Malgré ses ressources et son niveau de vie relativement élevé, le Gabon affiche un coût quotidien supérieur à la moyenne continentale (3,74 $ soit environ 2 244 FCFA), soulignant ainsi des fragilités structurelles dans sa politique alimentaire.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. D’abord, la forte dépendance du pays aux importations alimentaires, qui alourdit la facture en période d’inflation ou de crise logistique. Ensuite, la faiblesse de la production locale structurée et les lacunes dans la chaîne de distribution. Enfin, l’accès inégal au marché aggrave les disparités entre ménages urbains et ruraux. Ce coût élevé compromet sérieusement l’inclusivité des efforts de nutrition publique, notamment pour les foyers à revenus modestes ou les familles nombreuses.
Cette situation devrait interpeller les décideurs gabonais. À l’heure où la souveraineté alimentaire est érigée en priorité nationale, le coût élevé de l’alimentation saine trahit l’écart entre les ambitions politiques et les réalités du terrain. Il devient urgent d’investir dans les circuits courts, la formation des producteurs, la transformation locale et la lutte contre les marges abusives dans la distribution. Au-delà des indicateurs, c’est une question de justice sociale. Si bien manger reste un luxe réservé à une minorité, les objectifs de santé publique, de productivité économique et de cohésion sociale resteront hors de portée. Le vrai défi du Gabon n’est pas seulement de produire plus, mais de permettre à tous de mieux se nourrir.