Libreville, le 2 juillet 2025 – (Dépêches 241). Lundi 30 juin 2025, le président de la République, Chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema, a remis au goût du jour une tradition inaugurale qui avait fait grincer des dents sous Ali Bongo Ondimba : la coupure du ruban d’un supermarché Prix Import, cette fois à Ntoum. Un événement qui, loin de susciter l’enthousiasme, a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, où l’on s’interrogeait sur la pertinence d’un tel déplacement présidentiel pour un acte somme toute banal.
Comme son prédécesseur, Oligui Nguema a donc choisi de s’afficher en grand patron du commerce de proximité, inaugurant en grande pompe un 9ème supermarché du groupe Carrefour-Prix Import et avec lui la Ve République qui n’a pas lésiné sur les moyens: Vice-Président de la République, ministre d’Etat, ministre de la République. Le complexe, étendu sur 6 000 m², comprend un supermarché, une boulangerie, des boutiques de vêtements, une station-service, et promet la création de 50 emplois directs et 200 indirects, un argument brandi pour justifier la solennité de la cérémonie.
Mais ce qui aurait pu être une simple visite ministérielle s’est transformé en un spectacle présidentiel diffusé en direct sur les réseaux sociaux, avant que le service communication de la présidence ne coupe la retransmission, surpris par la vague de critiques. Sur Facebook, les internautes s’écharpaient : « Le président inaugure un supermarché ? Et demain, ce sera quoi ? Les toilettes publiques ? » Certains dénoncent la « banalisation » de la fonction présidentielle, un rôle censé incarner la grandeur et la sacralité de l’État, et non la promotion commerciale d’enseignes privées.
Cette dérive rappelle étrangement les inaugurations répétées de supermarchés sous Ali Bongo, qui avait lui aussi multiplié les sorties médiatiques pour des ouvertures similaires, notamment à Libreville en 2016, suscitant déjà la perplexité et la moquerie. Loin d’être un simple geste économique, cette habitude semble traduire une confusion des rôles entre chef de l’État et ministres du commerce, ces derniers étant normalement chargés de telles missions.
Au-delà de la polémique, cette posture présidentielle interroge sur la vision même de cette transition vers la Ve République : restaurer les institutions, c’est aussi respecter la dignité et la fonction exécutive. Or, en s’adonnant à ce type d’événements, Oligui Nguema semble oublier sa mission première, celle de redonner au Gabon des institutions fortes et respectées. Comme lors des démolitions controversées à Libreville, où le respect des procédures légales a été mis à mal, le président donne l’impression d’un pouvoir qui s’éparpille, entre grand spectacle et décisions contestées parfois frappées du sceau du puérilisme.
Cette inauguration de supermarché, loin d’être anodine, est devenue le symbole d’une présidence en quête de légitimité, oscillant entre la sacralité de la fonction et la tentation de la banalisation. Reste à savoir si le Gabon aspire à un chef d’État promoteur de commerces ou à un véritable restaurateur d’institutions.
Brice Clotaire Oligui Nguema, le président qui inaugure comme Ali Bongo, mais pour combien de temps ? La question reste entière.
