Le Débat Misselé Eba’a: Ali Bongo ne sera candidat en 2023…

 Télesphore Obame Ngomo pense que le candidat naturel ne se présentera pas en 2023 ©DR

Libreville le 18 mars 2022 – ( Dépêches 241). Tel est le message délivré par le porte-parole de la présidence de la République dans un tweet devenu viral. En effet, il y a quelques jours, alors que le distingué camarade, Ali  Bongo Ondimba, venait de célébrer, en présentiel, le 54ème anniversaire du parti  démocratique gabonais où son ambition politique s’est vue une fois de plus être dessinée en pointillés du fait du flou qui y règne sur son éventuelle candidature, c’est son porte-parole qui s’est offert le plaisir de tracer à l’encre noir les précisions capitales pour le commun des habitants du Gabon. 

« Le président ABO n’a jamais dit qu’il était ( pour l’instant en tout cas)candidat à la présidentielle. En revanche, il a évoqué ceux qui confondent leurs rêves avec la réalité. A ceux-là, je comprends l’impatience mais… toute chose vient à point à qui sait attendre ». Voilà qui est clair pour les initiés et les collectionneurs de déclarations éparses. 

Pour qui maîtrise un peu l’histoire politique des présidents de la République sortants, surtout en Afrique, ce type de déclaration n’a pas lieu d’être. Soit on est candidat à sa propre succession, soit on ne l’est pas. Ce mystère évoqué en permanence avec cette phrase répétitive « je serais avec vous, jusqu’au delà  » ne veut absolument rien dire en politique. 

Autrement dit, si la déclaration du porte-parole de la présidence de la République apparaît sur la place publique sous ce format, (1) c’est qu’elle a un sens bien précis, (2) qu’elle vise un objectif calculé qui est celui de faire comprendre ou de préparer l’opinion publique à la non candidature certaine d’Ali Bongo Ondimba au profit d’une autre, en pleine manoeuvre obscure. Enfin, (3) c’est qu’elle cadre avec un agenda déjà en cours d’exécution 

A cette nouvelle publication qui trahit encore un peu plus les ambitions de type balladuriennes de Libreville, il faut rappeler la déclaration du porte-parole de la présidence de la République lorsqu’il était question de la problématique du triumvirat devant assurer l’intérim du président de la République en cas de vacance du fauteuil présidentiel. Il disait ceci « Noureddin Bongo Valentin nommé ministre de la défense, c’est un mauvais calcul en ce sens que, s’il est nommé dans le collège des trois personnalités assurant la transition, il ne peut pas se présenter à la future élection présidentielle. La loi prévoit en effet qu’aucune de ses trois personnalités ne peut pas briguer la magistrature suprême ». Voilà qui fût dit.

Aussi, avec un Ali Bongo Ondimba fortement affaibli et handicapé par la maladie, un Brice Laccruche Alihanga devenu trop populaire, donc gênant pour les ambitions de certains, un gouvernement remanié qui ne porte aucunement l’ADN politique du fils d’Omar Bongo Ondimba, un ministre de la défense qui n’est nullement son héritier désigné, un parti démocratique gabonais modelé aux couleurs d’apprentis sorciers, un Frédéric Bongo Ondimba qui vient d’être radié de la garde républicaine et à qui il avait été jadis prêté des intentions présidentielles lors du coup d’état manqué de Kelly Ondo Obiang, des déclarations du porte-parole de la présidence de la République qui n’appellent aucun doute sur le candidat masqué en embuscade, tout finalement converge dans le sens d’amener progressivement les gens à intégrer l’idée selon laquelle la décision ou le choix d’Ali Bongo Ondimba pour la présidentielle pourrait ne pas être lui-même. 

Malheureusement pour ces manoeuvriers, c’est la pire des stratégies à adopter dans le contexte actuel. En tout point, elle ressemble à la démarche qui avait conduit et justifié l’échec d’Édouard Balladur en 1995 en France. Alors que Jacques Chirac préparait son élection présidentielle au clair, Edouard Balladur avait préféré œuvrer dans le flou. Ce qui semble être le cas pour ceux qui présentent Ali Bongo, fragilisé par la maladie, comme une caution ou une seconde peau.

Autant un président sortant va légitimement retarder le plus longtemps possible l’annonce de son éventuelle candidature à sa propre succession, tout ceci pour s’éviter les foudres réservées aux candidats déclarés sur l’arène politique, autant avancer masqué, donc dans la malice et la duperie, est tout simplement suicidaire car, il y a une grande part du travail à faire en faveur du candidat qui impose et exige la clarté que n’offre pas l’obscurité du secret ou du minable calcul de la petite semaine. 

Rien aujourd’hui ne peut amener le citoyen gabonais à penser qu’Ali Bongo sera candidat en 2023. Surtout que trop d’actes posés au sommet l’ont depuis longtemps disqualifiés. Partant de la décapitation de son personnel politique et militaire aux nombreuses décisions graves enregistrées ça et là: le non-respect de l’avis de la commission des droits de l’homme de l’ONU, la bêtise du Commonwealth,  le rapprochement suicidaire de la Russie et les différentes abstentions lors des votes aux instances de l’ONU. Par conséquent, ceux qui, dans la majorité veulent se lancer dans la course à la présidence de la République, songent déjà  à se préparer en créant une nette rupture avec la gouvernance en cours. C’est la seule voie pour engranger des voix.

En même temps, personne n’est dupe et ce qui se passe au sommet est tellement grossier qu’on voit de très loin arriver les projets politiques démentiels de certains. Or, la complexité dans cette affaire est qu’Ali Bongo Ondimba n’a pas manœuvré comme Omar Bongo Ondimba. 

En effet, ce dernier avait su monter le projet qui a conduit son fils à le succéder en mettant sans passion et sans pression en place tout le dispositif constitutionnel et institutionnel qui a joué en sa faveur le moment venu. Mieux que tout, par son sens aigüe de la gestion de la ressource humaine, Omar Bongo Ondimba avait su créer une sorte de dette morale dans la conscience du plus grand nombre. C’est pourquoi, beaucoup dans le pouvoir de jadis, avaient soutenu Ali Bongo en mémoire ou en hommage à Omar Bongo Ondimba. Ce qui ne sera pas le cas pour le choix identifié d’Ali Bongo Ondimba. 

Trop de méchanceté et de frustration ont déjà été servies par le potentiel candidat. Et cela a grandement trahi la nature de l’avenir sombre qui sera réservée au peuple si et seulement si. Faut-il rappeler les mots de la Bible empruntés par Jean Eyeghe Ndong devant la dépouille d’Omar Bongo Ondimba? A cela on ajoute l’océan d’impréparation sur le plan de la stratégie politique. Oui, avec Brice Laccruche Alihanga qui roulait pour ledit projet en cours ou cette ambition en gestation, on voyait bien le dessin d’un projet structuré et crédible. La vision était limpide, tant sur le plan du management des hommes que sur le plan des actions sur le terrain. 

Or, tel que c’est parti, c’est sans équivoque l’échec programmé. Un quelconque passage en force par l’armée conduira sans état d’âme les acteurs des dégâts posés vers la CPI. Le parapluie de jadis qu’est la France n’existant plus, ce sera clairement la jurisprudence Laurent Gbagbo qui s’appliquera. La stratégie de conquête du pouvoir selon Balladur fut mauvaise hier, pourquoi serait-elle bonne aujourd’hui dans quasiment le même état d’esprit? 

Tout compte fait, ce qu’on retient c’est que la course pour la prochaine élection présidentielle sera ouverte sans Ali Bongo Ondimba. Son porte-parole a malheureusement trop parlé. 

Par Télesphore Obame Ngomo

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