[Tribune libre] Paiement effectif des rappels soldes: « Cette escroquerie politique sur fond de justice sociale trahit une volonté de mettre des arguments électoraux à l’actif du Président-Candidat »

le paiement des rappels dans le contexte actuel suscite des interrogations © DR

Libreville, le 04 avril 2025 (Dépêches 241). L’annonce du paiement des rappels soldes à la veille de l’élection présidentielle a suscité de nombreuses réactions, dont celle Ndong Mve, enseignant de philosophie qui a produit une tribune que nous publions in-extenso.

« C’est en effet le rôle de la philosophie et des philosophes de veiller constamment pour révéler aux autres le sens du présent et la direction de l’avenir. Le philosophe est celui qui ne dort jamais. Sa voix, constamment doit trouer, percer le silence mortel des nuits de la servitude et de l’aliénation sous toutes ses formes. Le philosophe est comme l’oracle d’une société »

Ces propos du philosophe camerounais, Ebenezer NJOH MOUELLE, doivent avoir, aujourd’hui plus que par le passé, une résonance particulière alors que la loi du silence s’empare des milieux intellectuels gabonais où se confrontent désormais avec une rare brutalité devoir de vérité, calculs politiques et intérêts personnels. Plus généralement, ils rappellent avec solennité et gravité la mission sacrée et hautement salvatrice dévolue à tous les dépositaires de science, ces éclaireurs de la cité, ces oracles des temps modernes.

Dans un contexte de brouillard absolu où les sirènes de la servitude retentissent à nouveau avec la résurgence des plus évidentes des travers du passé, une croisade philosophique s’impose à nous pour tirer la sonnette d’alarme et attirer l’attention de tous, gouvernants et gouvernés, afin que le vice ne l’emporte plus sur la vertu dans ce pays-nôtre.

Il faut clairement poser le diagnostic lorsqu’on souhaite administrer à un patient en grande souffrance un traitement curatif. Il ne fait plus l’ombre d’un doute que soit le président Brice Clotaire Oligui Nguema est très mal conseillé, soit sa lecture de Machiavel le rend maladroitement machiavélique. Dans un cas comme dans l’autre, sa mission de rendre aux gabonais leur dignité naguère perdue se transforme progressivement en un vœu pieux.

Il n’est ni antinomique ni irresponsable de soutenir le président candidat tout en lui tenant un langage de vérité et d’assumer si nécessaire certains désaccords avec lui. Pour faire du Gabon un grand pays, c’est une exigence morale sur laquelle ne doit transiger aucun de ses plus proches conseillers et tous ses nombreux soutiens. C’est autant une posture politique digne, laquelle doit guider chaque pas des responsables administratifs et politiques de notre pays, à savoir que les intérêts du pays et du peuple souverain transcendent toujours ceux des dirigeants de l’Etat.

C’est fort de ces convictions que je dénonce dans les termes les plus tranchants les modalités de paiement des rappels solde à nos retraités et aux agents publics actifs aussi bien en termes de valeur monétaire que de timing. Si cette décision paraît incontestablement salutaire au fond, la réalité est tout autre quand on analyse froidement et sans passion aucune le mode opératoire qui la matérialise.

Que vaut aujourd’hui dans notre pays la somme de 5.000.000 que l’État doit au titre de ces rappels s’il doit les rembourser en monnaie de singe comme c’est actuellement le cas !? La question mérite d’être posée quand on connaît les sacrifices qu’un agent public moyen doit consentir pour disposer d’une telle somme qui lui permette de se réaliser socialement.

La supercherie est aussi flagrante que troublante quand on analyse le timing choisi pour le versement de ces sommes dérisoires, c’est-à-dire la veille de chaque élection. Il en a été ainsi lors du dernier référendum constitutionnel. C’est encore le cas en cette période d’élection présidentielle.

Cette escroquerie politique sur fond de justice sociale trahit une volonté de mettre des arguments électoraux à l’actif du président candidat. Et elle révèle par ailleurs au grand jour une infantilisation ininterrompue des gabonais en général et de l’électorat en particulier puisqu’on espère continuellement le tromper et le manipuler avec de tels subterfuges. Faut-il attendre le prochain moment électoral pour qu’une autre infime partie de la dette intérieure soit apurée?! Nous croyions ces méthodes surannées, démodées, dépassées et du domaine de compétence exclusif du PDG.

C’est une ingérence flagrante dans le processus électoral en cours. Dans un pays qui aspire à la grandeur, de telles décisions ne sont pas à prendre en pareilles circonstances. Il est moralement contradictoire de vouloir rendre aux gabonais leur dignité tout en continuant à les manipuler et à les infantiliser aussi honteusement. La dignité du peuple gabonais dépend non pas simplement de la résolution des préoccupations matérielles et pécuniaires, mais aussi et surtout du respect que ces dirigeants lui doivent et lui vouent.

On comprend finalement que les conseillers du président et lui-même firent une lecture machiavélique de Machiavel comme de nombreux dirigeants africains avant lui, alors qu’une lecture rousseauiste de celui-ci lui aurait permis de ne plus tomber dans les vices du machiavélisme.

Par Davy Dav NDONG

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