
Libreville, le 10 avril 2025 – (Dépêches 241). La réforme institutionnelle de Brice Clotaire Oligui Nguema, censée moderniser l’État gabonais, semble plus un exercice de communication qu’une véritable rupture avec les anciennes pratiques. Bien que le discours soit axé sur une meilleure gestion des pouvoirs et une administration plus performante, les Gabonais, fatigués des promesses non tenues, restent sceptiques. « Il est impératif de moderniser les institutions pour renforcer la stabilité et l’efficacité de l’État », affirme-t-il, mais cette réforme ne fait que recycler les vieilles promesses de décentralisation et de rationalisation des structures publiques. Des objectifs qu’aucun régime précédent n’a réussi à concrétiser.
Les réformes proposées semblent par le candidat président dans son projet de société , à première vue, bien intentionnées, mais elles manquent de réalisme face aux dynamiques politiques en place. La mise en place d’institutions plus transparentes et l’amélioration de la séparation des pouvoirs, notamment entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, ne peuvent se faire que si une véritable volonté politique existe, chose qui reste incertaine. La nomination des mêmes figures politiques, qui ont contribué à la centralisation du pouvoir sous Ali Bongo, pour porter cette réforme n’inspire guère confiance. L’expérience a prouvé que ces réformes sont souvent des promesses vaines dans un système où les élites restent les seules bénéficiaires des rentes de situation.
Quant à la transparence, une autre grande priorité de la réforme, l’expérience passée du Gabon nous enseigne que les contrôles mis en place pour surveiller l’utilisation des fonds publics ont rarement abouti à des résultats tangibles. L’instauration d’une gouvernance fondée sur l’éthique et l’exemplarité, selon Oligui Nguema, pourrait bien n’être qu’un discours creux, car les mécanismes de lutte contre le clientélisme et le favoritisme existent déjà sur le papier, mais ne sont jamais appliqués de manière sérieuse. Si les pratiques de gestion de l’État ne changent pas en profondeur, ces propositions resteront de belles intentions sans effet concret sur le terrain.
La digitalisation et la simplification des services publics, autre mesure phare de cette réforme, risquent également de rencontrer de nombreux obstacles. Le Gabon est loin d’être prêt pour une transition numérique totale, et de nombreux secteurs publics manquent d’infrastructures de base pour soutenir de telles initiatives. De plus, la lourdeur bureaucratique est un symptôme d’un problème structurel plus profond : une administration vieillissante, corrompue et déconnectée des besoins réels des citoyens. La digitalisation, si elle est mal planifiée, pourrait devenir une nouvelle source de frustration pour les Gabonais.
Enfin, la promesse d’une participation citoyenne accrue dans les décisions publiques soulève des questions. Si la création de plateformes interactives et de consultations publiques semble être une avancée démocratique, il reste à savoir si elles ne seront pas qu’un autre gadget numérique, sans impact réel sur la politique du pays. L’expérience montre que les gouvernements successifs, peu enclins à écouter la population, sont plus enclins à instrumentaliser les mécanismes de participation pour leur propre bénéfice, plutôt que de réellement les utiliser pour transformer la gouvernance.
Au final, cette réforme institutionnelle risque de s’ajouter à la longue liste des réformes échouées du Gabon. Le discours est rassurant, mais les actes sont trop souvent déconnectés des attentes populaires. Si Brice Clotaire Oligui Nguema veut réellement moderniser l’État gabonais, il devra d’abord se libérer des influences et pratiques anciennes qui ont conduit à la situation actuelle.