
Libreville, le 08 mai 2025 – (Dépêches 241). Un nuage sombre marquant la fin d’une époque semble planer sur les Partis politiques au Gabon. C’est du moins, en filigrane, le message délivré par le nouveau Chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, aux représentants des formations politiques légalement constituées qu’il a reçues hier, au Palais Rénovation. Un message au goût amer qui pourrait instaurer un climat incertain, empreint de frustration dans la vie politique du pays. Car, il semble préparer la conscience collective à l’idée d’une potentielle disparition de plusieurs Partis politiques existants, y compris ceux qui envisagent d’être créés.
Après le Dialogue National Inclusif (DNI), le Référendum et l’élection présidentielle du 12 avril dernier qui se sont déroulés dans un climat apaisé, le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, aurait en ligne de mire les Partis politiques, qu’il semble considérer comme un frein dans le processus de développement du pays. Pour lui, il n’y a plus aucune logique, ni cohérence à maintenir des associations à caractère politique n’ayant pas de véritables assises nationales. Certains d’entre eux n’existant que de nom.
Le Président de la République envisage, à cet effet, de traduire en acte législatif les recommandations issues du Dialogue National Inclusif relativement à la création de nouveaux Partis politiques et au maintien de ceux ayant une existence légale. Des recommandations qui, si elles sont appliquées stricto sensu, compteraient parmi les plus dures de la sous-région d’Afrique centrale. Le rendez-vous à la Présidence de la République avec les Partis existants a donc été une occasion propice pour Oligui Nguema de rappeler à ces derniers l’imminence de la mise en œuvre de ce processus.
Aussi, a-t-il précisé, pour ceux qui envisagent la création de leur Parti politique : « Pour la création d’un Parti politique, il faut désormais avoir, au moins 18 000 adhérents répartis sur l’ensemble du territoire national. Il faut avoir un siège, un compte bancaire. C’est vous qui l’avez retenu lors du Dialogue National, je n’y suis pour rien », a-t-il d’abord déclaré. Poursuivant son discours, il a ajouté à l’adresse des responsables de Partis ayant déjà une existence : « Pour le maintien d’un Parti existant, il faut avoir 5 parlementaires et au moins 30 élus locaux aux prochaines élections. S’agissant des adhésions et du fonctionnement des Partis, la liste des adhérents devra se baser sur le NIP et la soumission au contrôle de la Cour des Comptes s’agissant du fonctionnement », a-t-il martelé.
Une rencontre aux allures de souricière politique ?
Cependant, cette insistance du Chef de l’État à recourir aux résolutions du Dialogue National Inclusif, tendant systématiquement à se dédouaner d’une quelconque implication personnelle dans l’avenir des Partis politiques, semble, quoi qu’il en soit, trahir sa volonté de voir disparaître de l’écosystème politique gabonais, un certain nombre d’écuries qu’il jugerait non nécessaires. Les résolutions du DNI ne seraient dès lors qu’un masque, un moyen dissimulé dont il se servirait pour parvenir à ce but. Car l’application des recommandations du Dialogue National Inclusif ne doit pas se faire en fonction des désirs politiques du Président, et encore moins en fonction de ce qui pourrait être avantageux pour lui et son clan. Le DNI ayant débouché sur plusieurs résolutions que les Gabonais ont estimées importantes, pour être juste, impartial et transparent, il aurait fallu que le Président les applique toutes.
Un usage deux poids deux mesures des résolutions du Dialogue National Inclusif
Or, depuis la fin du Dialogue National Inclusif, le Président de la République semble s’illustrer par la ruse, en choisissant parmi les résolutions celles qui lui semblent avantageuses. C’est le cas par exemple de la recommandation relative à la suspension du Parti Démocratique Gabonais (PDG), qui a été balayée d’un revers de main par le Chef de l’État, alors que c’était le désir le plus ardent des populations au sortir de cette rencontre nationale. Cette situation illustre, s’il en était besoin, la partialité avec laquelle le nouveau Président a toujours géré les affaires publiques. Le recours au DNI apparaît dès lors comme un subterfuge par lequel le Chef de l’État voudrait épurer l’environnement politique du pays.
Au regard de l’intention qui semble guider la manœuvre du Chef de l’État, beaucoup voient dans ce recours massif aux recommandations du DNI une volonté pernicieuse d’épurer de nombreux partis politiques afin de s’y fabriquer sa propre majorité. Et quoi qu’il se passe actuellement, malgré les dénonciations de certains responsables des formations politiques qui avaient vu venir la supercherie, les dés semblent désormais jetés.
Le processus d’épuration aura bel et bien lieu. Car le Président de la République entend se draper derrière les résolutions du DNI pour implémenter de cette mesure, comme il ne cesse d’ailleurs de le rappeler, ce n’est pas sa volonté, mais celle des participants, c’est-à-dire celle des responsables de Partis politiques eux-mêmes.