
Libreville, le 23 Mai 2025 – (Dépêches 241). Nous avons arpenté les rues de la capitale gabonaise pour interroger des citoyens lambda sur la nouvelle qui cristallise le débat et qui défraie la chronique actuellement : le placement en résidence surveillée de Sylvia Bongo Valentin et de Noureddin Bongo Valentin, puis l’exfiltration de ces derniers avec Ali Bongo Ondimba en exil pour Luanda. Dans le sillage de cette affaire, un rapport avec la saga politico judiciaire Opiangah a été fait par les populations.
Comme on pouvait s’y attendre, la nouvelle a choqué et bouleversé plusieurs Gabonais. C’est le cas de cette compatriote. « Au Gabon, en terre bénie par Dieu, plus rien ne va », s’est exclamée une citoyenne. « Si c’est en résidence surveillée qu’ils devaient être placés, il fallait le faire depuis le début de la Transition, et non après plusieurs mois de torture comme avancé par leurs avocats et de va-et-vient entre la Prison centrale de Libreville ou le sous-sol du Palais présidentiel pour des raisons inavouées et ignorées du grand public », a déploré un autre citoyen.
Non loin de l’hôtel de ville, juste en face de l’Assemblée Nationale, des jeunes diplômés solidaires des compatriotes qui dénoncent la fraude au concours de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) se lancent dans un questionnement qui met en relief l’arbitraire qui entoure cette affaire. « Ils ont été libérés parce qu’ils ont tout avoué ou parce qu’ils ont restitué ce qu’ils avaient pris ou parce que leurs avocats ont prouvé qu’ils subissaient des traitements inhumains et dégradants ou parce qu’il nous fallait réintégrer l’Union Africaine les mains blanches ? Si c’est la dernière option qui est retenue, que fait-on des dossiers des autres détenus connus et inconnus qui subissent ou ont subi le même sort ? », s’est indigné un jeune diplômé désabusé.
D’autres personnes ont préféré garder le silence et leurs commentaires pour les réseaux sociaux sur lesquels ils peuvent décharger leur colère et crier à l’injustice ou à l’incompréhension, car ils ne savent plus à quel Saint se vouer. « Je ne sais pas ce qui me fait le plus mal », a dit une gabonaise qui s’est présentée comme étant de la diaspora, sur les réseaux, « je ne sais pas si j’ai mal d’avoir cru au changement, à l’indépendance de la justice, et d’avoir été déçue en si peu de temps ou si c’est mon manque de discernement qui me blesse », s’est-elle interrogée, visiblement perdue.
Un homme d’âge mûr, magistrat à la retraite nous a posé une question pertinente après que nous ayons présenté notre organe de presse: « Nous lisons souvent vos articles sur l’affaire Opiangah. C’est bien triste tout cela. Un complot, une machination, une intrigue, appelez cela comme vous voulez mais posez-vous la question suivante. Pourquoi, en ce qui concerne les Bongo, malgré les nombreux chefs d’accusation qui pèsent sur eux, selon le Procureur Général, le juge d’instruction a clos son dossier depuis le 28 avril dernier. Il reste juste à fixer la date du procès. Ils seront jugés en leur présence ou absence puisqu’ils ont des avocats tandis que, dans l’affaire Opiangah, la Chambre d’accusation a rejeté la demande de non-lieu parce qu’ Opiangah doit, absolument, se présenter devant le juge d’instruction même si la justice reconnaît qu’il n’y a pas de victime et qu’aucune charge n’est retenue contre lui ? Sans sa comparution, la justice ne veut ni clore le dossier ni prononcer le non-lieu demandé par ses avocats. Pour quelle préservation d’intérêts la justice agit-elle ainsi ? ». Cette dernière intervention a laissé perplexe, l’équipe de la rédaction de Dépêches 241. Elle a surtout fait prendre conscience de ce que l’affaire Opiangah y compris le dénouement de celle de Sylvia et Noureddin sont suivis avec rigueur et précision.
L’équipe de la rédaction a rassemblé son matériel et, sur le chemin du retour, a rencontré une dame déjà croisée en matinée vers le Palais de Justice. Quelqu’un l’avait interpellée en criant : « Maître ! Maître ! ». Elle s’était retournée et était revenue sur ses pas pour lui parler. Cette fois, l’équipe est allée vers elle et a osé lui poser la question que le magistrat à la retraite nous avait posée. Elle a répondu par une autre question : « Je répondrai à votre interrogation si vous répondez à la mienne. Pourquoi la Chambre d’accusation s’est appuyée sur l’article 163 du Code de procédure pénale pour rejeter la demande de non-lieu formulée par les avocats d’Opiangah ? Pour rappel cet article stipule que : « Si le juge d’instruction estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention ou si l’auteur est resté inconnu ou s’il n’existe aucune charge contre l’inculpé, il déclare par ordonnance qu’il n’y a pas lieu à poursuivre. Les inculpés détenus préventivement sont mis en liberté, s’ils ne sont pas détenus pour une autre cause. Le juge d’instruction statue sur la restitution des objets saisis. Il liquide les dépens et condamne au paiement des frais de justice la partie civile si l’information a été ouverte suite à sa constitution. La partie civile de bonne foi peut être déchargée de la totalité ou d’une partie des frais par ordonnance spécialement motivée. Des ordonnances de non-lieu partiel peuvent intervenir en cours d’information et au terme de celle-ci ».
« Retenez qu’en droit pénal, pour que la responsabilité pénale soit établie, il faut que l’intéressé ait commis un délit (c’est le principe de culpabilité) et que ce délit puisse lui être imputé (c’est le principe d’imputabilité). Alors, pourquoi la Chambre d’accusation reconnaît qu’il n’y a pas de victime – donc pas de délit -, qu’il n’y a aucune charge retenue contre ce Monsieur mais refuse de déclarer par ordonnance qu’il n’y a pas lieu à poursuivre ? Pourquoi ? », a-t-elle demandé aux journalistes de Dépêches 241.
Ces derniers se sont empressés de lui répondre en lui retournant la question. Elle a tourné les talons, en riant. L’équipe du média Dépêches 241 est ensuite rentrée au bureau pour rédiger cet article et vous laisser le soin de vous poser ces mêmes questions auxquelles s’ajoute celle-ci : dans quel intérêt la justice gabonaise agit-elle aujourd’hui ?