
Libreville, le 31 Mai 2025 – (Dépêches 241). Un nouvel acronyme vient s’ajouter à la longue liste des structures rattachées à la Présidence : le C2S2P, pour Coordination Stratégique et de Suivi des Projets Présidentiels. Créée par décret en Conseil des ministres, cette entité est censée remplacer le Haut-Commissariat aux Projets d’Infrastructures. Sur le papier, l’objectif est limpide : assurer un suivi plus rigoureux, transversal et orienter résultats des engagements du Chef de l’État. Mais dans les faits, difficile de ne pas y voir une énième tentative de recycler les mêmes fonctions dans une nouvelle coquille administrative.
Le Gabon ne manque pas de précédents en la matière et c’est peu de le dire. On se souvient encore du BCPSGE (Bureau de Coordination du Plan Stratégique Gabon Émergent), relégué au rang de souvenir. Puis est venu le CNPAT, Comité National de Pilotage du Plan d’Accélération de la Transformation. Chaque présidence, chaque cycle politique semble produire son organe fétiche de coordination. À chaque fois, le même discours : efficacité, professionnalisation, résultats. À chaque fois, les mêmes lenteurs, les mêmes blocages, les mêmes opacités, les mêmes échecs.
Mais la Coordination Stratégique et de Suivi des Projets Présidentiels entend faire mieux. Il sera doté de cellules techniques spécialisées, supervisé par un comité de pilotage présidé par le Chef de l’État lui-même, avec pour ambition de « lever les blocages structurels » et de garantir « la transparence et l’efficacité des projets à fort impact ». On peine cependant à comprendre en quoi cette architecture serait plus vertueuse que celles qui l’ont précédée. Et surtout, on ne dit rien des moyens humains et budgétaires mobilisés, ni des critères concrets d’évaluation.
L’exécutif gabonais donne l’impression de traiter le problème du suivi des politiques publiques par une fuite en avant institutionnelle. À défaut d’exiger des résultats des ministères sectoriels, on crée une superstructure censée piloter à leur place. Mais à trop superposer les organes de contrôle, on finit par diluer les responsabilités. Ce n’est pas d’une énième cellule d’accélération dont le pays a besoin, mais d’une administration opérationnelle, responsable et visible dans ses résultats.
À moins que le C2S2P ne soit qu’un nouvel outil de communication politique, destiné à occuper le terrain sans remettre en cause les dysfonctionnements profonds de la gestion publique. Le Gabon n’a pas besoin d’un acronyme de plus : il a besoin de routes, d’eau potable, d’écoles fonctionnelles, de centres de santé ouverts. Tant que ces priorités concrètes resteront traitées comme des « projets présidentiels » au lieu de missions de service public, aucun C2S2P ne suffira à combler le fossé entre l’État et les citoyens.