Le 28 juillet 2021, le conseil d’administration du FMI a accordé au Gabon un prêt sur une maturité de trois ans allant de 2021 à 2023 pour un encours en capital de 553,2 milliards de dollars américains soit 319 milliards franc cfa décaissable en trois annuités dont un premier décaissement d’un montant de 115,2 millions de dollar soit 63,6 milliards francs cfa au titre de l’exercice 2021.
Chaque financement du FMI est précédé par la signature d’un contrat de prêt, lequel y inclus un plan d’ajustement structurel que le pays emprunteur doit respecter pour avoir droit au décaissement des deux tranches restantes d’un montant chacune de 219 millions de dollars américains soit 121 milliards fcfa attendus par an au titre des exercices 2022 et 2023.
D’une part, Il faut savoir qu’une grande partie des réformes économiques et des textes de loi que le gouvernement va proposer jusqu’en 2023 seront inspirés en partie par son accord de crédit avec le FMI. Par conséquent, il est important de passer en revue les conditionnalités du prêt FMI y compris les engagements pris par l’Etat gabonais.
D’autre part, pour s’assurer que le programme d’ajustement structurel sera réalisé ne fusse qu’à minima, le FMI va co-réguler et co-piloter l’économie gabonaise dans la conduite des affaires économiques et budgétaires de notre nation en situation de crise économique, d’endettement excessif et de tension de trésorerie.
Par conséquent, vous conviendrez bien avec moi que ce prêt du FMI comporte une certaine perte de souveraineté économique nationale. Cependant, il s’agit là d’un mal nécessaire compte tenu de l’état de dégradation de nos finances publics durement éprouvées par le double choc économique et sanitaire dans un environnement de mal gouvernance dénoncé par le FMI.
A ce propos, les engagements pris par l’Etat gabonais auprès du FMI couvre divers réformes et mesures structurantes dont celles liées à l’administration publique, au rehaussement de la croissance, à l’optimisation budgétaire, au rééquilibrage de la balance de paiement, à l’amélioration du climat des affaires , à la consolidation des réserves de change ou à la protection sociale.
Primo, le Gabon s’est engagé à maîtriser la masse salariale et le coût d’entretien de son administration publique évalués à plus de 1000 milliards f.cfa par an qui absorbe pas moins de 40% de son budget annuel. Pour y parvenir, le gouvernement gabonais va continuer à geler les recrutements massif dans le secteur public et il va mettre en place une politique de « cost-killer » qui aura pour objectif de réduire significativement les charges de fonctionnement des différents départements ministériels.
Secundo, afin de limiter les risques de défauts de paiement notamment sur sa dette extérieure, l’Etat gabonais s’est une fois de plus engagé à stabiliser son niveau d’endettement global qui culmine à plus de 7.000 milliards F.cfa soit un stock de dette publique superieur au taux de 70% du PIB recommandé par les critères de convergence de la CEMAC.
Pour revenir dans les clous d’un endettement soutenable, le gouvernement va restructurer la dette publique gabonaise par une opération de reprofilage voire un amortissement anticipé qui devrait être suivi d’une réduction du rythme d’endettement en volume comme en valeur. Le FMI fait de cette question de la réduction de la dette gabonaise une condition indispensable au décaissement de la part du prêt restant à verser au Gabon.
Tertio, pour rehausser le rythme de croissance, le gouvernement s’est également engagé à optimiser les recettes publiques par une action proactive contre les dégrèvements fiscaux tels que ceux offerts au Groupe Olam GSEZ mais aussi par un meilleur recouvrement des taxes du secteur hors pétrole. Parallèlement, le gouvernement s’est engagé à poursuivre la digitalisation de l’administration publique et à mettre en place un nouveau dispositif budgétaire incluant une nouvelle nomenclature qui maximise la gestion des finances publiques.
Dans le prolongement du cadrage budgétaire arrêté avec le FMI, le gouvernement s’est également engagé à réduire les risques budgétaires notamment en limitant les transferts de capitaux aux institutions publiques et surtout en supprimant certains établissements publiques non-performants et budgétivores. La suppression de ces institutions publiques viendra inévitablement accroître le taux de chômage qui affecte déjà plus de 30% de la population active qui viendront grossir le taux de pauvreté qui touche déjà près de 35% des gabonais.
Quadro, devant la pandémie de la corruption et de ses effets dévastateurs qui limitent l’efficacité de l’action gouvernementale, le FMI a une fois de plus exigé que l’Etat gabonais prenne à bras le corps le problème des détournements des deniers publics. Pour convaincre le FMI de sa bonne volonté, l’Etat gabonais devrait lancer une énième opération de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite en s’appuyant notamment sur les recommandations des rapports des agents du FMI ainsi que sur les travaux de l’agence nationale de vérification et d’audit [ANVA].
Quinto, à propos de la politique sociale, en raison du double choc économique et sanitaire, le FMI a souhaité que le gouvernement gabonais renforce son action sociale. Pour se faire, l’Etat gabonais s’est engagé à accroître la part du budget nationale affecté à couverture et à la protection sociale des gabonais notamment pour les exercices 2022 et 2023.
Pour finir, en plus des principaux engagement relevés supra, concernant le cadrage macroéconomique et sectoriel, la politiques monétaire et le secteur bancaire, le gouvernement gabonais s’est engagé à prendre des mesures additives qui améliorent la passation des marchés publics, améliorent le climat des affaires, accroissent l’inclusion financière, consolident le bilan et la liquidité des banques, renforcent les réserves en devises et assurent une plus grande absorption de la nouvelle réglementation de change mise en place par la BEAC.
Sur le papier, une bonne partie de ces mesures vont dans la bonne direction mais dans les faits, je crains que ces engagements ne soient que partiellement tenus et les réformes votées que très partiellement appliquées.
En définitive, en l’absence d’un changement radical de paradigme dans la gouvernance publique, sachant que le précédent programme 2017-2019 n’a pas produit les résultats attendus, il existe un risque élevé que ce nouveau plan d’ajustement structurel conclu avec le FMI échoue.
Willy Ontsia
Expert Financier