Transition: sous le voile de la dénonciation d’une xénophobie, le CTRI brandit-il le glaive de la répression sur la tête de la presse ? 

Le Colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, porte parole du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions © DR

Libreville, le 1er juillet 2024 – (Dépêches 241). Ce 28 juin 2024, le porte-parole du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), le Colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi est apparu sur la chaîne nationale pour lire, comme à l’accoutumée, un communiqué du CTRI. Le moins que l’on puisse retenir de cette sortie est que les militaires semblent vouloir désormais museler les médias, tant la tonalité du communiqué N°62 du CTRI ferait implicitement brandir le glaive de la répression sur la tête de plusieurs organes de presse, à la tonalité critique et dénonciatrice.

Le CTRI veut-il museler une certaine presse qui se montre particulièrement critique devant les nombreux errements observés dans cette période de Transition ? C’est la grande interrogation qui traverse désormais les journalistes et les observateurs de la vie politique gabonaise, au regard de la tonalité du communiqué N° 62, lu dernièrement par son porte-parole, le Colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi.

En mondovision, le Ministre Chargé de Missions à la Présidence de la République, porte-parole du CTRI, a ostensiblement invité les services de police judiciaire et le parquet à se mettre en branle pour semble-t-il mener une traque sans ménagement aux organes de presse, ainsi qu’à certaines pages sur les réseaux sociaux, qui auraient tendance à exposer et critiquer les compatriotes responsables ou complices de nombreux errements observés en ce temps de Transition.

C’est en tout cas en substance la teneur du message délivré par le Colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi. « En effet, quelques esprits séditieux et des groupuscules tapis dans l’ombre répandent dans notre pays le venin mortel du régionalisme, de l’ethnocentrisme et de la xénophobie. Ces appels à la haine touchent autant les réseaux sociaux que certains organes de presse écrite qui se permettent désormais de livrer à la vindicte populaire d’autres citoyens, du seul fait de leur appartenance ethnique. De telles pratiques porteuses de haine et de division menacent la paix et l’unité de notre Nation et doivent être combattues pour éviter à notre cher pays de connaître les affres des conflits fratricides qui jalonnent l’histoire des peuples », a-t-il d’abord rappelé.

Risque de confusion entre critique, dénonciation et appel à la division ?

Poursuivant sa lecture, le Colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi a décliné la volonté du Président du CTRI, par ailleurs Chef de l’État. « Afin d’y mettre une fin salutaire, le Chef de l’État instruit les services de police judiciaire à accroître la veille sur la presse et les réseaux sociaux et à saisir sans délai le parquet de la République chaque fois que de tels faits sont constatés. De même, les plus grandes rigueurs de la loi devront s’abattre sur les auteurs de tels actes », a-t-il conclu, d’un ton décidé et ferme.

Si la délation, le tribalisme et la xénophobie sont autant d’attitudes qu’il faut  réprouver vigoureusement, exposer, critiquer ou dénoncer les abus et autres errements qui se donnent à voir sous cette Transition ne devraient pas être confondus à un quelconque appel à la haine ou à la division. Mieux, devant les multiples dérives constatées ci et là, et face à la recrudescence des attitudes et comportements fortement décriés sous l’ancien régime, inviter les nouvelles autorités à faire preuve d’extrême rigueur et d’impartialité dans le traitement de ces dérives ne saurait se confondre à livrer les auteurs de ces errements à la vindicte populaire. 

Des autorités qui en cette période de Transition doivent se garder d’avoir une attitude pernicieuse en essayant de museler une certaine presse en se drapant du manteau de la dénonciation d’une prétendue xénophobie. Que les nouvelles autorités tiennent compte du fait que « la liberté de la presse en République Gabonaise est un droit constitutionnel » tel que l’a rappelé le Premier ministre Raymond Ndong Sima. Et au président de la République, Chef de l’Etat de se rappeler des gages d’assurance qu’il avait donné à la presse au lendemain de sa prise de pouvoir. « N’ayez pas peur. La presse est le quatrième pouvoir. Nous allons vous rendre vos lettres de noblesse . Faites votre travail, faites-le bien », avait déclaré Brice Clotaire Oligui Nguema.

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