Séparation des pouvoirs: la présence inconvenante du Président de la CC aux côtés d’Oligui Nguema pendant la tournée présidentielle

Le Président de la Transition pendant une audience avec le président de la Cour Constitutionnelle il y’a quelques mois ©ComPrésidentielle

Libreville, le 23 juillet 2024 – (Dépêches 241). Brice Clotaire Oligui Nguema a récemment séjourné dans le cadre de sa tournée républicaine dans la province du Haut-Ogooué. Comme lors de ses précédentes visites dans l’hinterland, le Président de la Transition est accompagné de plusieurs officiels parmi lesquels, le Président de la Cour Constitutionnelle, Dieudonné Aba’a Owono. Une présence polémique, plus qu’elle suscite un débat autour de la séparation des pouvoirs, principe fondamental en démocratie. 

Le 4 septembre 2023, à l’occasion de sa prestation de serment, Brice Clotaire Oligui Nguema avait prononcé un discours resté emblématique dans la mémoire de nombreux Gabonais. Ce jour-là, le Président du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) avait expliqué les raisons de la prise de pouvoir des militaires, tout en promettant d’œuvrer en faveur de l’instauration d’un véritable régime démocratique au Gabon. « Ici et maintenant,  je m’engage solennellement à ne ménager aucun effort pour qu’à l’issue de cette Transition notre pays soit doté d’institutions fortes, démocratiques et crédibles », avait déclaré l’actuel Chef de l’Etat. 

Seulement, certains signaux tels que la présence de Dieudonné Aba’a Owono dans la délégation qui accompagne Brice Clotaire Oligui Nguema dans sa tournée républicaine, notamment dans la province du Haut-Ogooué, semblent fragiliser la matérialisation de cette promesse. Ce, d’autant plus que cette tournée finalement très politique, réunit le Président de la Transition détenteur du pouvoir exécutif et celui de la Cour Constitutionnelle, membre éminent du pouvoir judiciaire, alors même que depuis les travaux du philosophe Montesquieu, le fonctionnement optimal d’un régime démocratique, implique une séparation stricte des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. 

Tout se passe comme si, en prenant une part active à la tournée républicaine de Brice Clotaire Oligui Nguema, Dieudonné Aba’a Owono a fait fi de l’article 2 de la Charte qui nous enseigne que « Les missions de la Transition consacrées par la présente Charte sont notamment: le renforcement de l’indépendance de la Justice et la lutte contre l’impunité », a-t-on pu lire. 

Dieudonné Aba’a Owono à gauche en tenue bleue pendant le discours d’Oligui Nguema à Franceville ©CaptureCTRInews

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Mieux, la présence de Dieudonné Aba’a Owono lors des visites du Chef de l’Etat à Oyem et à Franceville au moment où ce dernier cache de moins en moins ses velléités politiques, a suscité des inquiétudes au regard des missions dévolues à la Cour Constitutionnelle,  notamment l’article Article 53 de la Charte qui nous apprend que « La Cour Constitutionnelle de la Transition contrôle la conformité à la Charte de la Transition et à la Constitution du 26 mars 1991 des actes législatifs et réglementaires pris par les organes de la Transition. La Cour Constitutionnelle de la Transition statue sur la régularité des opérations de référendum dont elle proclame les résultats à l’issue du contentieux dont elle serait saisie ».

De quoi s’interroger. Dieudonné Aba’a Owono saura-t-il demeurer impartial en cas de contentieux électoral impliquant Brice Clotaire Oligui Nguema, pressenti pour être candidat à la présidentielle ? La proximité supposée entre le  Président de la Transition et celui de la Cour Constitutionnelle est-elle un danger pour la démocratie et la séparation des pouvoirs ? Quel est l’intérêt pour Dieudonné Aba’a Owono de participer à la tournée politique de Brice Clotaire Oligui Nguema ? Ne montre-t-il pas là de façon claire, évidente mais inconvenante son parti pris pour le Président de la Transition et donc pour son ambition ? Comment peut-on une seule seconde penser que ce dernier, sous l’autel de sa proximité avec le Président de la Transition saura faire prévaloir l’intérêt supérieur de la Nation dans un éventuel contentieux à venir ? 

Autant de questions auxquelles, le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) devraient apporter des réponses fortes pour préserver la crédibilité de la Transition. Même au plus fort du régime avilissant d’Ali Bongo Ondimba, il n’a jamais été observé une Marie Madeleine Mborantsuo présente aux côtés du Président déchu dans une activité politique. Quelle est donc cette restauration des Institutions qui tend à reproduire à l’identique sinon pire, les errements de l’ancien régime ? C’est en tout cas la question que pourraient se poser l’opinion après que cette inconvenance ait été exposée à la vue de Gabonais. 

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