
Libreville, le 3 mars février 2025 – ( Dépêches 241 ). L’exercice du pouvoir ne se fait apparemment jamais sans y laisser des plumes. C’est ce que nous a appris le Conseil des Ministres du 13 février dernier, au cours duquel il a été décidé de retirer le nom de l’ex Président de la République Ali Bongo Ondimba de l’aéroport de Port-Gentil, pour le rebaptiser « aéroport international Joseph Rendjambé Issani, en souvenir de son combat politique contre le régime de feu Président Omar Bongo. Une décision qui passe mal auprès de l’opinion et surtout chez les fidèles de l’ancien Président qui y voient une tentative d’effacer toutes traces du passage du fils d’Omar Bongo Ondimba à la tête du Gabon.
Le 13 février dernier, alors que la population gabonaise espérait des décisions réelles qui devaient impacter son difficile quotidien, le Conseil des Ministres y répondra ni plus ni moins par un décret aux relents populistes , actant une nouvelle dénomination de l’aéroport international de Port-Gentil, renvoyant ainsi aux calendes grecques la satisfaction des besoins essentiels des gabonais. Cependant, si cette décision semble satisfaire la notabilité de l’Ogooué-Maritime, parce que c’était son souhait lors de l’inauguration de cet édifice, elle est aussi révélatrice d’une évidence qui se fait persistante depuis près de deux ans: il y aurait une pernicieuse tentative de réécriture de l’histoire du Gabon par les militaires au pouvoir.
Et celui qui semble visiblement en ligne de mire n’est autre que le Président déchu Ali Bongo Ondimba. Comme un sort qui s’acharne à ne jamais le laisser tranquille, après l’arrestation et l’incarcération de sa femme Sylvia Bongo, de son fils Nourredine Bongo Valentin et son éviction illégale à la Présidence du Parti Démocratique Gabonais ( PDG ), c’est désormais son passage à la tête du pays que le pouvoir en place tenterait grossièrement d’effacer. Tout se passe comme si à lui tout seul, il serait le symbole de tous les malheurs du pays, et pour cela, il devrait impérativement sortir de l’histoire du Gabon.
Une décision clivante ?
Alors que les choses s’érodent de jour en jour en raison de la gestion opaque des militaires, depuis cette annonce, la classe politique gabonaise est plus que jamais divisée: entre ceux qui soutiennent la décision de manière hypocrite pour flatter l’ego du Général-Président et ceux qui estiment que malgré tous les griefs que l’on peut faire à l’ancien dirigeant, cela ne devrait justifier la modification subjective de l’histoire commune du Gabon. Car, beaucoup, il est du devoir de l’État de préserver la mémoire commune d’un pays, avec l’ensemble de ce qui constitue ses progrès mais également ses tares.
À ce titre, l’ancienne Directrice Générale de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), Nicole Assélé, a dernièrement convoqué une conférence de presse, pour marquer son indignation face à ce qu’elle considère comme une dérive des autorités militaires qui tentent, de manière assumée, de contorsionner l’histoire du pays. Aussi s’est-elle interrogée: « Ali Bongo Ondimba n’a-t-il fait que du mal aux Gabonais ? ». À cette interrogation, on ne saurait répondre par l’affirmative, les tenants du pouvoir actuel ayant grassement bénéficié de nombreux avantages durant les quatorze années de magistère d’Ali Bongo. Il serait ainsi, selon elle, inconcevable de le considérer comme le seul coupable de la situation actuelle du pays, dès lors qu’il n’a pas dirigé tout seul .
Au regard de ce qui précède, il serait nécessaire que le CTRI et son Chef se reprennent. Car, au lieu de l’unité nationale dont ils doivent se faire le devoir de maintenir et de consolider, certaines de leurs décisions produisent un effet inverse, qui tend trop souvent à polariser les positions. Le Gabon est un héritage commun. Il faut donc travailler à ce que la politique, au sens de la praxis comme le souligne le philosophe grec Aristote, soit un objet d’agrandissement inexorable de l’unité nationale, du vivre ensemble, de la paix sociale et de la promotion de la grandeur du pays à l’international.