
Libreville, le 25 Juin 2025 – (Dépêches 241). L’écart entre le discours de rigueur budgétaire et le train de vie de l’exécutif n’a jamais été aussi flagrant au Gabon. Tandis que les autorités appellent à la prudence financière, aux coupes dans les subventions, et au « sacrifice collectif » pour redresser les comptes publics, la haute sphère de l’État s’offre une refonte institutionnelle luxueuse : cabinets multiples, vice-présidences doublées, flottes de véhicules renouvelées, résidences officielles réhabilitées. Dans un pays où une majorité de citoyens vit avec moins de 3000 FCFA par jour, le contraste est violent, saisissant et même indécent.
Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en novembre 2024, le pouvoir central s’est démultiplié. Le Président, le Vice-Président de la République et le Vice-Président du Gouvernement disposent chacun d’un cabinet complet, doté d’une quinzaine à une trentaine de collaborateurs. Si l’on cumule salaires, primes, sécurité, carburant, logements de fonction et frais de mission, ces trois centres de pouvoir coûteraient entre 6 et 7 milliards FCFA par an, soit l’équivalent du budget annuel de plusieurs ministères techniques réunis (Commerce, Tourisme, PME).
Sur le terrain, la réalité est tout autre. En 2025, les prix des produits de base ont continué de grimper malgré les mesures gouvernementales d’allégement temporaire. Le panier alimentaire dépasse désormais 80000 FCFA/mois pour une famille de quatre personnes, alors que le salaire minimum reste gelé à 150000 FCFA, et que les services publics essentiels, éducation, santé, eau, restent défaillants. Les mesures de soutien annoncées ne profitent qu’à une minorité et restent sans effet systémique.
Chaque mois, des millions de Gabonais subissent une double peine : d’un côté, la cherté de la vie et de l’autre, la stagnation des revenus. Pendant ce temps, les ministres disposent de 4×4 flambants neufs à plus de 80 millions de FCFA, les gouverneurs conservent leurs avantages même en retraite, et des dizaines de « chargés de mission » perçoivent des indemnités à cinq zéros sans résultat mesurable. Cette répartition inégale des ressources publiques alimente un sentiment croissant d’injustice sociale.
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Il ne s’agit plus seulement d’une question de politique publique, mais de légitimité politique. Une gouvernance fondée sur la dépense cachée, les privilèges consolidés et la rigueur imposée à ceux qui n’ont rien ne peut durer éternellement. Si l’exécutif ne montre pas l’exemple en réduisant son train de vie, il sera difficile de convaincre les citoyens de faire des efforts. Le peuple gabonais n’est pas contre la réforme comme le soulignent plusieurs compatriotes mais il est contre l’hypocrisie budgétaire.