Gabon: la marche « kounabéliste » pour Oligui, un flop ?

Vue aérienne de la mobilisation du vendredi 11 juillet dernier à l’arrivée de Brice Oligui Nguema de son retour des États Unis © ImageGabon 24

Libreville, le 14 Juillet 2025 – (Dépêches 241). De retour des États-Unis, où il espérait marquer un tournant diplomatique pour le Gabon, le président de la république Brice Clotaire Oligui Nguema a été accueilli à Libreville dans une atmosphère tiède, loin de l’enthousiasme populaire escompté. Si cette visite officielle aurait pu servir de tremplin pour consolider les relations économiques et attirer les investissements directs étrangers (IDE), elle s’est révélée maladroite. Le chef de l’État a, selon plusieurs observateurs, manqué de hauteur stratégique en présentant le pays et ses richesses comme un bien à céder aux Américains, dans une posture assimilée à du marchandage diplomatique. Cette tentative de courtiser Washington en marginalisant la France, notamment via la société ERAMET, a davantage desservi l’image du Gabon qu’elle ne l’a valorisée. 

Sur le plan interne, ce discours qualifié de courageux par certains médias proches du pouvoir n’a pas séduit les Gabonais. Ces derniers, de plus en plus critiques, ont vu dans cette rhétorique une fuite en avant plutôt qu’un acte de souveraineté économique. L’argument consistant à imposer la transformation locale des matières premières est certes louable, mais mal porté par un discours perçu comme improvisé et sans stratégie nationale claire. Résultat : la parole présidentielle a perdu de sa résonance, et les promesses d’une ère nouvelle peinent à convaincre.

Ce désamour s’est traduit dans la rue : l’appel lancé par l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), formation politique du chef de l’exécutif ’Oligui Nguema, pour un accueil massif à l’aéroport international Léon Mba, n’a tout simplement pas été entendu. Face à une population absente ou désintéressée, la mobilisation a reposé sur des membres du gouvernement, leurs collaborateurs et quelques passants et badauds contraints de participer à une marche forcée jusqu’au lycée Léon Mba. Une scène qui rappelle étrangement les mises en scène de l’ancien régime, où le pouvoir semblait avoir besoin davantage d’images plus que de légitimité réelle. Conséquence évidente : flop total pour une simple marche. 

Ce qui devait symboliser un retour triomphal et une reconnaissance populaire s’est ainsi transformé en une démonstration de force artificielle, révélatrice du fossé qui se creuse, chaque jour un peu plus, entre les discours politiques et les attentes sociales du peuple. Le président Oligui, qui avait promis une rupture avec les pratiques du passé, semble à son tour happé par les réflexes d’un pouvoir en quête de légitimation par le spectacle. Dans ces conditions, quelles différences pourrait-on objectivement établir entre le régime d’Ali Bongo et les autorités actuelles du pays? Certains estiment, avec raison d’ailleurs, qu’il n’y en a aucune. 

Ce nouvel épisode sonne comme un signal d’alarme contre le numéro un gabonais. L’absence d’adhésion populaire à la marche de retour du président de la république ne peut être balayée d’un revers de main. Elle révèle un peuple désormais plus exigeant, réclamant des actes concrets plutôt que des discours creux ou des mises en scène orchestrées. Si le chef de l’État, Oligui Nguema souhaite restaurer la confiance et incarner réellement le changement, il devra recentrer son action sur l’amélioration des conditions de vie des Gabonais et bâtir une diplomatie économique fondée sur la compétence, la vision et le respect de la souveraineté nationale. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*