
Libreville, le 8 avril 2025 – (Dépêches 241). Le renversement du régime Bongo-PDG le 30 août 2023 avait suscité l’espoir d’un profond assainissement de l’administration gabonaise. Dans leur discours fondateur, les militaires du CTRI avaient promis de restaurer l’éthique de la chose publique, de mettre fin à la corruption, et d’ériger l’État en modèle de probité. Or, après plus d’un an de transition, les pratiques décriées hier sont toujours là, parfois même aggravées, mais maquillées sous des slogans de rupture.
La réalité au sein de l’administration est alarmante. L’absence de reddition des comptes, la culture du silence et l’impunité font toujours loi. Les nominations se font sans appel à candidatures, les recrutements sans transparence, les marchés publics sont octroyés sans publicité ni mise en concurrence, et les directeurs d’administration s’arrogent toujours des privilèges en toute impunité. Le contrôle interne est quasi inexistant, quand il n’est pas purement décoratif. Dans ce contexte, les fonds publics continuent d’être siphonnés à grande échelle.
Pire encore, certains fonctionnaires mis en cause sous le régime précédent ont été reconduits, ou parfois promus, au mépris des engagements initiaux. Le CTRI, en lieu et place d’un audit rigoureux et public, s’est contenté d’annonces spectaculaires non suivies d’effet. Aucun grand procès anti-corruption n’a vu le jour. Aucun signal fort n’a été donné aux prédateurs de l’appareil d’État. En coulisse, l’administration fonctionne encore sur la base des réseaux, des fidélités ethno-politiques, et de la protection des « intouchables ».
Le scandale de la Direction générale du Budget et des Finances Publics impliquant ni plus ni moins que le petit frère du président de la Transition Aurelien Mintsa Mi-Nguema n’a jusque-là fait l’objet d’aucune explication. Les malversations financières et Gab’Oil et à la Cnamgs n’ont rien donné si ce n’est des suspensions brandies comme répression en lieu et place de la manifestation de la justice.
Le mal est tel que les chiffres eux-mêmes démentent le discours officiel. Le score du Gabon sur l’indicateur « Absence de corruption dans le secteur public » du Mo Ibrahim Index 2024 reste extrêmement faible, avec 25 points sur 100, contre 71 au Botswana et 60 au Sénégal. Cette performance dramatique place le pays loin des standards africains en matière d’intégrité publique. Et pour cause : les mécanismes de contrôle n’ont pas été renforcés, les budgets ne sont pas audités publiquement, et la presse d’investigation est encore tenue à distance.
Le CTRI entretient l’illusion d’une moralisation de la vie publique, alors que le système de prédation a simplement changé de mains. L’administration continue de servir d’outil d’enrichissement pour une caste protégée. L’absence d’un plan de réforme administrative sérieux, la reconduction des figures contestées, et l’opacité qui entoure les finances publiques ne peuvent que nourrir le doute. La corruption n’a pas reculé sous la transition ; elle s’est adaptée. Et tant que les Gabonais ne verront pas de véritables sanctions, de vraies enquêtes, et une rupture concrète avec les pratiques anciennes, ils continueront de douter de la sincérité du discours de restauration.