
Libreville, le 15 Mai 2025 – (Dépêches 241). Si l’opération de reprofilage menée par le gouvernement gabonais a évité un défaut de paiement imminent, elle n’a en rien dissipé les doutes des investisseurs. Bien au contraire, elle confirme une dynamique inquiétante : celle d’un État contraint de bricoler sa trésorerie pour faire face à ses échéances, faute d’une stratégie budgétaire cohérente et crédible. L’avertissement lancé par Fitch Ratings, à travers sa note « CCC », sonne comme un verdict : le Gabon a cessé d’inspirer confiance aux marchés.
Depuis la transition entamée en 2023, le pays a multiplié les annonces d’investissements massifs, à hauteur de 7000 milliards FCFA sur sept ans, sans jamais démontrer comment il entend les financer durablement. Les recettes fiscales stagnent malgré une hausse marquée en 2024, les dépenses courantes explosent notamment avec une masse salariale plafonnée à 825 milliards en 2025, et les recettes pétrolières ne suffisent plus à équilibrer les comptes. Dans ce contexte, le recours à la dette devient la seule option. Mais lorsque les marchés flairent le risque, ils facturent cher leur soutien : 12,7% pour la dernière émission obligataire sur le marché international. À ce prix-là, chaque emprunt devient un piège.
La défiance des investisseurs n’est pas qu’une perception exagérée. Elle se nourrit d’un passif lourd : projets mal exécutés, comptes publics peu transparents, gestion hasardeuse de certaines entreprises stratégiques comme la SEEG ou la GOC, et une gouvernance budgétaire trop souvent soumise à des logiques politiques plutôt qu’économiques. Résultat : les investisseurs régionaux se détournent eux aussi. Les dernières levées de fonds sur le marché de la CEMAC n’ont pas trouvé preneur, signe que le malaise dépasse les frontières internationales.
Le vrai danger pour le Gabon, aujourd’hui, est d’entrer dans une spirale où la dette contractée sert uniquement à rembourser la dette passée, sans dégager de ressources nouvelles pour l’investissement. Cette dynamique de cavalerie financière est intenable. Elle expose le pays à un double risque : une crise de liquidité à court terme et une perte totale de souveraineté budgétaire à moyen terme, notamment en cas de retour contraint sous un programme du FMI.
Ce climat d’instabilité financière limite drastiquement la capacité de l’État à engager des réformes profondes. Chaque promesse électorale, chaque annonce de chantiers ou de nouveaux engagements sociaux, est désormais scrutée par des créanciers devenus sceptiques. Le Gabon n’a plus le luxe de l’improvisation. Il lui faut, d’urgence, une loi de programmation budgétaire crédible, des audits publics rigoureux, et une gouvernance enfin tournée vers les résultats. À défaut, la défiance actuelle pourrait bien devenir permanente.