Gabon : l’illusion des solutions d’urgence dans un secteur énergétique à la dérive

Karpowership, une solution provisoire pour mettre la poussière sous le tapis, et après ? ©MontageDépêches 241

Libreville, le 20 mai 2025 – (Dépêches 241). Au Gabon, les délestages sont devenus un mode de vie, et les réponses des autorités oscillent entre bricolage improvisé et fuites en avant. L’accord avec Karpowership, censé apporter un peu de lumière dans le Grand Libreville via deux barges turques, illustre cette fuite chronique devant les responsabilités. À force de traiter une crise structurelle avec des rustines coûteuses, le pays hypothèque tout espoir de relance énergétique à long terme.

Le problème n’est pas seulement technique, il est politique : plutôt que de réformer, le gouvernement multiplie les solutions provisoires qui finissent par s’éterniser. Les centrales thermiques à venir d’Owendo et Ngoulmendjim, sont annoncées comme des messies, mais aucune échéance réaliste ni mode de financement transparent n’est connu. La Guinée équatoriale est même appelée à la rescousse pour 10 MW. Pendant ce temps, la SEEG change de direction tous les six mois. Trois directeurs en deux ans, une instabilité symptomatique et chronique d’une gouvernance erratique.

Les discours officiels brandissent l’objectif d’un mix énergétique dominé par l’hydroélectricité à 60% d’ici 2035. Mais à ce jour, les énergies renouvelables ne dépassent même pas les 2% du mix réel. Pire : aucun plan d’incitation clair n’existe pour encourager les producteurs indépendants à investir dans le solaire ou l’éolien. Le Gabon continue de subventionner un modèle centralisé, inefficace et ultra-dépendant d’équipements vétustes.

Le recours aux barges turques ou aux partenariats d’urgence peut faire illusion, mais il n’offre aucune solution pérenne. Ces choix engendrent des coûts élevés, payés par les consommateurs via des hausses tarifaires non assumées, ou financés à crédit par des bailleurs extérieurs. On sacrifie l’avenir sur l’autel de la survie immédiate, sans jamais remettre en question les dysfonctionnements profonds du secteur.

Le pays a besoin d’un électrochoc stratégique. Chose qui passe par un audit indépendant du système électrique, une réforme en profondeur de la SEEG, un cadre incitatif clair pour le solaire, et surtout une transparence totale sur les contrats énergétiques. Tant que le Gabon continuera à confondre gestion de crise et politique énergétique, il restera enfermé dans une spirale de délestage, de surcoût et de dépendance. 

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