
Libreville, le 28 mai 2025 – (Dépeches 241). Le nouveau ministre de l’Économie, Henri-Claude Oyima, a surpris son beau monde en affirmant lors d’un entretien sur TV5 Monde que la réduction de la dette publique n’était « pas un objectif » pour le gouvernement. « Le Gabon a besoin d’avoir un programme de croissance et de développement », a-t-il insisté, préférant miser sur la relance économique plutôt que sur une consolidation budgétaire immédiate. Une déclaration qui tranche avec les prescriptions classiques des bailleurs de fonds internationaux, alors même que la dette publique du Gabon devrait dépasser les 8000 milliards de FCFA en 2025.
Cette orientation repose sur une ambition forte : rétablir la souveraineté nationale dans les secteurs clés, à commencer par l’énergie, l’agriculture et la production locale. « Ce que nous voulons, c’est rendre au Gabon sa souveraineté budgétaire, sa souveraineté économique et alimentaire », martèle Oyima, en écho au projet du président de la République. Le ministre entend ainsi s’appuyer sur la croissance pour créer une dynamique vertueuse, sans pour autant présenter de plan précis de désendettement à moyen terme, ni de calendrier budgétaire révisé.
Pourtant, les chiffres de la stratégie d’endettement 2025-2027, annexés à la loi de finances, révèlent une réalité moins enthousiasmante. Le gouvernement prévoit de s’endetter à hauteur de 902 milliards FCFA en 2025, avec une projection d’encours de dette atteignant 60,8% du PIB. La dette extérieure représentera 55% du portefeuille, contre 45% pour la dette intérieure, avec un poids croissant des emprunts commerciaux. Autrement dit, la croissance promise reste largement financée par de la dette, sans garanties claires de retours suffisants à court terme.
Au-delà des promesses, des incertitudes demeurent. L’administration gabonaise n’a toujours pas finalisé le rebasage de son PIB, pourtant indispensable à une réévaluation fiable de sa capacité d’endettement. En l’absence de données consolidées sur la production pétrolière réelle, les recettes douanières et fiscales continuent de fluctuer. Oyima lui-même reconnaît que l’État « doit procéder au toilettage de son fichier fiscal » pour mieux capter les ressources qui lui échappent encore.
Enfin, le ministre évoque la volonté de concevoir un programme national de développement « approprié par les forces vives du pays » avant toute discussion avec le FMI. Une démarche souverainiste sur le papier, mais dont la faisabilité reste entière. D’autant plus que les marges de manœuvre budgétaires du Gabon sont minces et que les précédents programmes d’ajustement, s’ils ont échoué à transformer structurellement l’économie, ont malgré tout permis de maintenir une certaine stabilité. En rupture avec cette logique, Henri-Claude Oyima engage le pays sur un pari risqué, celui de la croissance sans discipline budgétaire. Le succès de cette stratégie dépendra de sa capacité à transformer la parole politique en résultats tangibles.