Libreville, le 31 mai 2025 – (Dépêches 241). Le septennat de Brice Clotaire Oligui Nguema veut marquer une rupture. Mais à lire les orientations présentées à l’ouverture du dernier Conseil des ministres, on pourrait surtout y voir une reconduction des logiques d’avant, dans une nouvelle forme. Après les agences tous azimuts de l’ère Ali Bongo dont la plus tristement célèbre fut l’ANGTI, voici venir les « Fonds stratégiques » du général-président. Cinq pour commencer. Et autant de promesses de transformation économique « visible et mesurable ». Mais le Gabon a appris à se méfier des structures aux acronymes prometteurs.
Le Président a donné le ton : « rupture avec les lenteurs et les inerties du passé », « transformation des leviers économiques ». Dans la foulée, il a ordonné la création de cinq Fonds stratégiques censés agir comme catalyseurs dans les secteurs prioritaires. Énergie et eau (FNEE), habitat et logement (FGHL), infrastructures (FNI), agriculture (FSA), pêche et aquaculture (FDPA). Des outils qui, sur le papier, doivent fluidifier le financement des projets à fort impact. En clair, le Gouvernement s’apprête à multiplier les guichets publics sectoriels, avec la bénédiction présidentielle.
Mais on peine à comprendre en quoi ces fonds échapperont aux travers des agences précédentes. Ces dernières ont souvent été mal gouvernées, faiblement contrôlées et peu transparentes, malgré les milliards injectés. Le risque est grand de voir ces nouvelles structures devenir des boîtes noires budgétaires, bénéficiant de financements publics ou parapublics, mais sans réelle obligation de résultats. D’autant qu’aucune précision n’a encore été donnée sur leur gouvernance, leur dotation initiale, ou les critères d’allocation des ressources.
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L’ambition présidentielle est louable : créer des instruments agiles pour soutenir la souveraineté énergétique, alimentaire ou encore l’accès au logement. Mais les Gabonais attendent des résultats, pas des slogans. Or, pour qu’un fonds transforme l’économie réelle, encore faut-il un cadre juridique clair, un pilotage indépendant, et des mécanismes d’évaluation rigoureux. Sans cela, ces nouveaux fonds pourraient vite rejoindre le cimetière administratif des promesses non tenues, comme tant de « plans stratégiques » ou « fonds spéciaux » avant eux.
Dans ce contexte, le parallèle est évident : là où Ali Bongo avait multiplié les agences pour court-circuiter une administration jugée inefficace, Oligui Nguema semble miser sur les Fonds pour contourner les blocages budgétaires classiques. Même méthode, même approche mais pour quels résultats ?
La méthode ne garantissant rien si l’intendance ne suit pas, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne suffit pas de changer les noms : il faut surtout changer les pratiques. Et pour l’instant, derrière les acronymes flambants neufs, rien ne dit que le Gabon échappera à ses vieux démons bureaucratiques.
