
Libreville, le 31 Mai 2025 – (Dépêches 241). C’est une décision que le gouvernement présente comme « historique » : à compter du 1er janvier 2029, l’exportation du manganèse brut sera interdite au Gabon. L’annonce marque un tournant officiel dans la stratégie industrielle du pays, qui entend désormais transformer localement ses matières premières pour en tirer davantage de valeur ajoutée. Une mesure ambitieuse, qui suscite autant d’espoirs que de prudence, tant elle réactive les promesses anciennes non tenues.
L’objectif affiché est clair: construire une filière nationale de transformation du manganèse, deuxième richesse minière du pays après le pétrole. Le Gabon est le deuxième producteur mondial, grâce notamment à la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), filiale du groupe français Eramet. À travers cette interdiction d’exporter le minerai à l’état brut, l’État entend rapatrier sur son sol la création de valeur, stimuler l’emploi local, augmenter les recettes fiscales et imposer une politique industrielle à ses partenaires.
Mais cette annonce n’est pas sans rappeler un précédent : l’interdiction d’exportation des grumes décidée par Ali Bongo en 2010. Elle visait alors à développer la filière bois et à imposer la transformation locale des essences. Quinze ans plus tard, si des progrès ont été réalisés, les ambitions initiales ont été largement revues à la baisse, entre dérogations, manque d’infrastructures industrielles, et dépendance à des investisseurs étrangers souvent seuls à capter la plus-value.
Le même risque plane aujourd’hui sur le manganèse. Car l’interdiction décrétée ne vaut que si le tissu industriel est prêt à prendre le relais, ce qui suppose des investissements massifs, des infrastructures modernes, une énergie fiable et une main-d’œuvre qualifiée. Autrement dit : un écosystème que le Gabon ne possède pas encore, ou en tout cas pas à l’échelle des ambitions affichées. Or, 2029 c’est demain – et les opérateurs pourraient être tentés, comme par le passé, de contourner ou de négocier des exemptions.
Ce qui manque dans l’annonce, ce sont les garanties de mise en œuvre, les incitations concrètes à investir localement, et les conditions techniques qui permettront à cette ambition de ne pas rester un vœu pieux. Car si le manganèse est aujourd’hui interdit à l’export brut comme le bois l’était hier, le Gabon ne peut pas se permettre un nouvel échec industriel. Surtout pas au moment où il cherche à restaurer sa crédibilité économique sur la scène internationale.