Gabon: 93% des marchés publics attribués sans appel d’offres, quand le chaos administratif devient la règle

Le Gré à gré a régné en maitre pendant la transition militaire sensé mettre en place des règles plus rigoureuses dans l’attribution des marchés publics © DR

Libreville, le 31 Mai 2025 – (Dépêches 241). Le chiffre est vertigineux : 93,25 % des marchés publics en 2025 ont été attribués par entente directe, sans appel d’offres. Le gouvernement vient de reconnaître lui-même cette dérive inquiétante, totalement hors des clous du Code des marchés publics, qui plafonne pourtant cette pratique dérogatoire à 15%. Autrement dit, ce qui devrait rester une exception est devenu la norme. Une situation qui illustre non seulement l’impuissance de l’État à faire respecter ses propres règles, mais aussi une forme de résignation face aux dérapages devenus systémiques.

Le Conseil des ministres a beau se dire « préoccupé », il est d’abord comptable de cette dérive. Ça fait des années que le gré à gré s’est imposé comme le raccourci favori d’une administration incapable ou peu désireuse d’appliquer la transparence. L’appel d’offres, pourtant garant d’une saine concurrence, est relégué au rang d’ornement juridique. À la place, on favorise les petits arrangements, les « urgences » taillées sur mesure, et les circuits opaques où prospèrent surfacturations, favoritisme et conflits d’intérêts.

Cette situation intervient alors même que le pays courtise les bailleurs de fonds et promet une moralisation de la dépense publique. Comment convaincre les partenaires internationaux avec un tel niveau de contournement des procédures ? Les institutions comme la Banque mondiale et le FMI, qui exigent une traçabilité rigoureuse des marchés, ne peuvent que s’interroger. À quoi bon parler de rigueur budgétaire quand l’État lui-même fait exploser les plafonds qu’il s’impose ?

Derrière ces 93 %, ce sont des centaines de milliards de francs CFA qui échappent à tout contrôle citoyen. Et ce sont les mêmes entreprises qui, année après année, raflent les marchés au mépris des PME locales qui n’ont ni les relations ni les réseaux, encore moins les moyens pour s’imposer sans appel d’offres. Le danger est clair : l’État fabrique lui-même les conditions d’un clientélisme économique massif, et compromet toute tentative d’assainissement futur.

Le ministre de l’Economie qui se trouve également être celui du Budget a désormais la responsabilité de rétablir l’ordre, mais la question est simple : le veut-il vraiment ? Le peut-il vraiment, quand il gère en même temps les comptes de la plupart de ces entreprises bénéficiaires ? Lutter contre cette dérive imposerait de casser des circuits d’intérêt puissants. Ce n’est pas un simple sursaut administratif qu’il faut, mais une révolution dans les pratiques. Et pour l’instant, rien n’indique que le gouvernement ait le courage politique nécessaire pour l’assumer. 

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