Gabon: une ambition et une stratégie nationale… à crédit ?

En misant sur la banque Rothschild souvent citée dans des opérations financières complexes et parfois opaques, le Gabon s’expose t-il pas à une perte de contrôle sur les décisions économiques nationales ? ©MontageDépêches 241

Libreville, le 12 Juin 2025 – (Dépêches 241). Le gouvernement gabonais affiche une volonté claire : relancer l’économie, réformer les institutions, transformer la structure productive. Pour soutenir cette ambition, l’État a fait appel à Rothschild & Cie et à Algest, deux banques d’affaires de renom, pour l’aider à mobiliser les ressources financières nécessaires. Traduction : le Gabon mise sur un levier puissant, à savoir : l’endettement, pour financer son programme de croissance. Mais une question s’impose : peut-on bâtir une stratégie nationale sur une base aussi instable qu’un emprunt ? 

Le contexte n’est pas favorable. Le Gabon entre dans l’année 2025 avec un déficit budgétaire prévu, des charges de la dette intérieure en hausse, des échéances extérieures à honorer, et des recettes non pétrolières toujours insuffisantes. La masse salariale grève les finances publiques et c’est peu de le dire, les dépenses de fonctionnement absorbent la majorité du budget, et les capacités d’autofinancement sont limitées. C’est dans cette configuration que l’État entend relancer la machine… en s’endettant davantage. Or, comme le rappelle le rapport de la CEA, l’endettement sans transformation structurelle, c’est payer aujourd’hui pour retarder l’effondrement de demain. 

Il faut aussi clarifier les rôles. Rothschild & Cie ne vient pas pour écrire un plan de développement ni concevoir une politique industrielle. Son mandat est clair : mobiliser des financements, structurer la dette, conseiller sur les marchés. Ce que cette banque livrera au Gabon, c’est une architecture financière optimisée, pas une stratégie de souveraineté économique. Sans une vision nationale forte, ce partenariat risque donc de servir des mécanismes financiers brillants mais vides de contenu productif. 

Rothschild n’est pas un stratège de développement

Depuis des années, le Gabon emprunte pour équilibrer ses budgets, financer ses salaires, régler ses dettes passées. Mais très peu d’emprunts ont servi à construire des chaînes de valeur, à créer de l’emploi durable ou à stimuler l’industrie locale. Les récents fonds sectoriels (agriculture, énergie, infrastructures…) semblent prometteurs, mais ils reposent sur des structures administratives fragiles, sans instruments robustes de mise en œuvre, ni suivi d’impact clair. Le risque est donc réel : que les nouveaux financements servent à alimenter un système budgétaire inefficace au lieu de transformer l’économie. 

Dans ce contexte, le recours à l’endettement devient une logique de survie plus qu’un levier de relance. On emprunte pour rembourser, on restructure pour gagner du temps, on refinance pour masquer les déséquilibres. Et chaque nouveau cycle d’endettement affaiblit un peu plus la souveraineté budgétaire du pays. Ce ne sont pas les conseillers financiers qui en paieront les conséquences, mais les générations futures, privées de marges de manœuvre, captives de décisions prises sous contrainte. 

Le Gabon a besoin de financements, c’est un fait. Mais encore plus urgent est le besoin de savoir pourquoi, pour quoi, et comment utiliser ces fonds. Rothschild peut structurer, mais il ne peut pas donner du sens. Seul l’État peut définir une trajectoire claire, fondée sur l’investissement productif, la montée en compétence nationale et la maîtrise des outils économiques. Ce n’est pas le volume de crédit mobilisé qui fera la différence, mais la qualité des politiques qu’il permet d’exécuter. Car au fond, une ambition nationale ne vaut que si elle est pensée, portée et assumée… sans se vendre à crédit.  

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