Oligui Nguema en treillis : quand « se mettre en disponibilité » devient un concept très relatif

Un président de la République qui refuse de raccrocher l’uniforme ou l’art du double langage à la gabonaise ?©ComPrésidentielle

Libreville, le 1er Juillet 2025 – (Dépêches 241). Il y a quelque chose de profondément troublant dans cette image d’Épinal qui a été offerte à la vue des Gabonais arrivant tout droit de la Plaine Ayémé. Mercredi dernier, Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la République gabonaise élu avec un score digne des plus grandes démocraties populaires, a fait sensation en ressortant sa tenue de combat de la Garde Républicaine, arme bien ajustée à son holster de ceinture pour superviser l’exercice militaire, « Ukal Dimbu 2025 »

Sauf que voilà, il y a un petit problème de cohérence dans ce tableau idyllique. Pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle d’avril dernier, le nouvel homme fort du Gabon avait pris soin de se « mettre en disponibilité » de l’armée. Une formalité administrative censée marquer sa transition vers la vie civile et garantir la neutralité du processus électoral. Un geste symbolique fort, nous avait-on assuré, pour rassurer les partenaires internationaux sur la sincérité de son engagement démocratique.

Mais alors, comment expliquer que le nouveau président de la République gabonaise, élu il y a moins de trois mois, se pavane encore en tenue de camouflage devant ses anciennes troupes ? Cette mise en disponibilité était-elle finalement un simple tour de passe-passe administratif, une parenthèse bureaucratique le temps d’une campagne électorale ?

La réponse semble se dessiner dans les communiqués officiels qui présentent sans sourciller Oligui Nguema comme « Chef de l’État, Chef du Gouvernement et Chef Suprême des Armées ». Une accumulation de casquettes qui ferait pâlir d’envie les autocrates les plus assumés. Car enfin, être Chef Suprême des Armées, c’est bien joli sur le papier, mais cela implique-t-il de remettre les galons et de jouer au soldat devant les caméras avec son arme de service ?

Le spectacle de mercredi dernier, où le président « renoue avec la tenue de combat pour la circonstance » et « s’immerge pleinement dans l’exercice », interroge sur la nature même de cette transition démocratique tant vantée. Car si la mise en disponibilité n’était qu’une formalité temporaire, à quoi bon ce théâtre de la normalisation ?

Il y a quelque chose de profondément révélateur dans cette obsession du treillis. Comme si le costume civil ne suffisait pas à incarner l’autorité présidentielle. Comme si, au fond, la légitimité ne pouvait venir que du canon et de la mitraillette, et non des urnes et des bulletins de vote. Oligui Nguema nous offre là un parfait exemple de schizophrénie institutionnelle. Président civil le matin, commandant militaire l’après-midi. Une flexibilité institutionnelle qui défie toutes les règles de la séparation des pouvoirs et interroge sur la réalité de cette « Cinquième République » gabonaise dont il se targue d’être le père fondateur.

Car au final, cette mise en disponibilité ressemble furieusement à une opération de communication destinée à rassurer la galerie internationale. Une parenthèse démocratique le temps d’une élection, avant de reprendre les bonnes vieilles habitudes. Le pouvoir par les armes, habillé des oripeaux de la légitimité électorale.

Reste une question : combien de temps encore les Gabonais accepteront-ils ce numéro d’équilibriste ? Combien de temps encore croiront-ils à cette présidence à géométrie variable, civil quand il faut, militaire quand ça arrange ? 

L’histoire nous apprend que les masques finissent toujours par tomber. Celui de Brice Clotaire Oligui Nguema commence déjà à glisser. À quand la prochaine mise en disponibilité ? Ou peut-être que cette fois, ce sera définitif ?

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