Gabon: 713,9 milliards de FCFA en 2024, une augmentation de la masse salariale aux allures politiques ?

Marcelle Ibinga Epouse Itsitsa, ministre de tutelle pourra t-elle justifier l’augmentation immodérée de cette masse salariale ? © DR

Libreville, le 20 août 2025 – (Dépêches 241). L’augmentation de la masse salariale de la fonction publique gabonaise à 713,9 milliards de FCFA en 2024 comme énoncé dans la dernière note de conjoncture ne relève pas uniquement de facteurs techniques ou administratifs ; elle traduit aussi des décisions à portée éminemment politique. Derrière les chiffres, on décèle une logique de gestion de la transition, où la rémunération est utilisée comme instrument de stabilisation sociale et institutionnelle. Or, comme le rappelle le document de cadrage macro-économique, « la masse salariale doit rester sous contrôle afin de préserver l’espace budgétaire nécessaire aux politiques publiques ». Cette orientation semble avoir été largement contrariée par les choix faits en 2024.

Le versement de primes de libération à environ 35000 militaires et policiers est l’un des éléments les plus révélateurs. Au-delà de son coût budgétaire, il illustre une stratégie visant à renforcer la loyauté des forces de défense et de sécurité, acteurs centraux dans une période politique sensible. Cette logique, compréhensible dans le contexte d’une transition, accentue toutefois le déséquilibre entre dépenses de fonctionnement et dépenses de développement. Elle traduit une approche où la sécurité institutionnelle prime sur la soutenabilité budgétaire.

La revalorisation des indemnités des parlementaires de la transition participe du même registre. En augmentant la rémunération des élus, le gouvernement cherche à consolider l’adhésion politique au processus en cours. Mais cette décision crée un contraste frappant avec la situation des agents civils, dont les régularisations de carrière demeurent modestes. Cela alimente une perception d’inégalités internes au sein de l’appareil d’État. Le document de cadrage insistait pourtant sur la nécessité d’une « gestion équitable et efficiente des ressources publiques », condition sine qua non de la cohésion sociale.

L’intégration de 6941 nouveaux agents en solde peut également être analysée sous l’angle politique. Plutôt que de promouvoir l’emploi productif dans le secteur privé, l’État s’est encore une fois positionné comme employeur de dernier recours, absorbant une partie du chômage par des recrutements massifs. Ce choix, politiquement payant à court terme, fragilise cependant la trajectoire budgétaire et renforce la dépendance structurelle des jeunes diplômés vis-à-vis de la fonction publique. Le document de cadrage soulignait à cet égard qu’« il est impératif de recentrer l’action publique sur ses missions essentielles », une recommandation restée lettre morte.

Au bout du compte, la hausse de la masse salariale en 2024 reflète moins une stratégie économique qu’un compromis politique destiné à garantir la stabilité et l’adhésion des principaux corps constitués. Elle démontre comment la fonction publique continue d’être utilisée comme instrument d’arbitrage social et politique, au détriment d’une réforme en profondeur. Si cette approche peut assurer une stabilité immédiate, elle risque de compromettre la viabilité financière du pays à moyen terme et d’éloigner l’objectif d’une administration publique performante et soutenable. 

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