
Libreville, le 26 août 2025 – (Dépêches 241). Le plan de restructuration présenté par le directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), Dr. Olivier Rebienot Pellegrin, ambitionne de tourner la page de l’administration provisoire. Mais à l’épreuve des faits, sa stratégie soulève plus de doutes que d’espoirs. L’accent est mis sur la réduction des charges de fonctionnement et la responsabilisation du personnel, mais rien n’indique une volonté de s’attaquer aux causes profondes du mal : un recouvrement défaillant, une gouvernance opaque et un capital humain inadapté. Contrairement à d’autres caisses de la sous-région, la CNSS semble se contenter de rustines, au lieu d’engager une véritable réforme de fond.
Le déficit de compétences internes, mis en lumière par le recensement biométrique, illustre cette limite. À peine 9% du personnel est formé aux métiers de la sécurité sociale, un chiffre extrêmement bas pour une institution qui emploie 1770 agents. Là où la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) en Côte d’Ivoire a lancé dès 2015 un vaste programme de formation continue pour professionnaliser ses effectifs et améliorer la qualité du service, la CNSS se contente de constater le problème. Réduire les charges de personnel dans un tel contexte pourrait accentuer l’inadéquation des profils, au lieu de renforcer la technicité indispensable à une meilleure gestion des risques sociaux.
Le volet recouvrement, pilier de la viabilité financière d’un organisme de sécurité sociale, reste le point aveugle du plan. Le directeur général n’a présenté aucune mesure précise pour renforcer la collecte des cotisations, ni auprès des grandes entreprises, ni vis-à-vis de l’État, pourtant l’un des plus grands débiteurs historiques. En comparaison, le Maroc a introduit depuis 2017 un mécanisme automatisé de recouvrement couplé à des sanctions financières en cas de défaut de paiement, ce qui a permis d’améliorer significativement le taux de couverture des cotisations. Sans innovations similaires, la CNSS risque de continuer à fonctionner sur des recettes aléatoires, incapables de répondre durablement aux besoins des assurés.
Autre faiblesse majeure : la gouvernance. Le discours du Dr. Rebienot Pellegrin insiste sur la responsabilisation des employés, mais passe sous silence la question de la transparence et du contrôle interne. Or, les difficultés chroniques de la CNSS sont nourries par des fraudes, une mauvaise gestion et une absence de reddition de comptes. La CNPS ivoirienne et la CNSS marocaine ont mis en place des audits annuels rendus publics, ainsi qu’une digitalisation complète des opérations de paiement et d’immatriculation. Au Gabon, rien de tel n’est annoncé. Miser sur la seule discipline du personnel, sans outils de gouvernance modernes, revient à ignorer les véritables sources de fragilité.
Ce plan présenté entretient l’ambiguïté d’une réforme plus cosmétique que structurelle. Les discours visant à « sensibiliser » les agents ou à « réduire les charges » ne sauraient constituer une stratégie de redressement face aux enjeux financiers et démographiques. Le Gabon fait face à un vieillissement progressif bien que relatif de sa population et à un élargissement de l’économie informelle, qui fragilise le financement de la protection sociale.
Sans mécanismes d’élargissement de l’assiette contributive ni refonte systémique, la CNSS continuera de vivre sous perfusion. Là où d’autres pays africains ont osé des réformes courageuses, le Gabon semble se limiter à un plan d’ajustement superficiel, aux résultats incertains.







