Gabon: Inflexible le 30 août 2023 après la fraude, Oligui Nguema silencieux devant le chaos électoral des législatives et locales

Le Président de la République, Chef du gouvernement est étrangement silencieux à l’heure où le landerneau politique presque dans son entièreté crie à la fraude et aux élections tronquées © DR

Libreville, le 6 octobre 2025 – (Dépêches 241). Autrefois perçu comme un homme rigoureux, intransigeant, voire inflexible face aux dérives susceptibles de compromettre la marche du pays, Brice Clotaire Oligui Nguema semble aujourd’hui avoir perdu de sa fermeté. Les élections législatives et locales du 27 septembre dernier militent pour cette tendance. Face à l’ampleur des irrégularités et fraudes qui ont émaillé ce scrutin, le chef de l’État, qui avait pourtant formulé le vœu d’une élection fiable, transparente, crédible et apaisée, aurait choisi de détourner le regard dans un silence que beaucoup jugent complice. Une attitude qui nourrit l’idée, de plus en plus partagée dans l’opinion, que le désastre électoral issu de ces élections aurait été, sinon voulu, du moins encouragé, d’autant plus qu’il ne profite, presque exclusivement qu’au Parti présidentiel. 

La démocratie gabonaise, loin d’être en marche, traverse sans doute l’une de ses pires crises depuis l’avènement du multipartisme. Les élections couplées du 27 septembre en ont été la parfaite illustration. Loin de favoriser l’expression libre de la démocratie et de la transparence électorale promises par les militaires lors de leur prise de pouvoir le 30 août 2023, le pays a plutôt eu droit à une organisation inique, rappelant la volonté manifeste de confisquer l’expression de la souveraineté populaire. Les pratiques jadis décriées sous le régime déchu semblent avoir repris de plus belle. Pire, les mêmes artisans du déclin national d’hier, naguère honnis pour leur compromission avec Ali Bongo Ondimba, sont aujourd’hui galvanisés aux côtés de celui qui avait pourtant suscité l’espoir du peuple.

Une élection marquée par la fraude et l’impunité 

À en juger par les réactions et déclarations faites depuis le scrutin, rien n’annonce des lendemains meilleurs. Anciens Premiers ministres, présidents de Partis politiques, candidats, citoyens et observateurs lucides semblent unanimes : les élections législatives et locales ont été entachées d’irrégularités et de fraudes si grossières qu’elles mériteraient une annulation pure et simple, si le Gabon aspirait réellement à un embryon de démocratie. Mais il n’en est rien. Depuis le coup de force militaire, les discours officiels ne se sont révélés que des vœux pieux, des pavés de bonnes intentions sur le chemin de l’enfer politique.

Un retour aux vieilles méthodes du régime déchu 

Transport massif d’électeurs de Libreville vers l’intérieur du pays, avec des risques d’accidents mortels ; détention illicite et utilisation abusive de carnets de procurations par des candidats proches de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB) ; dissimulation des bulletins de vote de plusieurs candidats ; éliminations arbitraires sans notification préalable aux candidats concernés; validation tardive de candidatures en pleine campagne : la liste des dérives est longue. À cela s’ajoutent des résultats incohérents proclamés par le Ministre de l’Intérieur et président de la CNOCER, marqués par des erreurs chiffrées répétées et des rectifications en série dans plusieurs circonscriptions. Dans une circulaire datée du 2 octobre 2025, le Ministre lui-même reconnaît à demi-mots que le scrutin fut entaché de graves irrégularités.

Une démocratie vidée de sa substance 

Pourtant, aucune mesure corrective ne semble envisagée, encore moins une reprise du scrutin. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les auteurs de ces fraudes massives, jouissent d’une totale impunité. Le Gabon paraît ainsi enfermé dans un cercle vicieux qui étouffe toute perspective d’État de droit. La démocratie n’y est plus qu’un slogan vide, un simple ornement destiné à séduire les institutions internationales. Dans les faits, la situation est catastrophique, et, à bien des égards, pire que sous Ali Bongo.

Pendant ce temps, le Président de la République, chef de l’État et du Gouvernement ne dit mot. Malgré le constat accablant de ces élections, il ne paraît ni disposé à sanctionner les faussaires, ni enclin à annuler le scrutin. Pourquoi le ferait-il, d’ailleurs, alors que les résultats actuels lui sont politiquement favorables et lui permettent de récompenser les siens ?

Silence présidentiel et absence de sanction 

La rigueur et l’inflexibilité du militaire devenu Président n’étaient-elles qu’un leurre, un bluff de plus destiné à manipuler l’opinion ? Les faits tendent à le confirmer. Malgré les dénonciations émanant même de ses soutiens, le chef de l’État reste impassible, sourd à l’indignation générale, quitte à sacrifier son image et par ricochet entacher celle du Gabon à l’extérieur. Or, dans une telle situation, seul le Président peut taper du poing sur la table pour rétablir l’ordre et sauver ce qu’il reste de la crédibilité institutionnelle.

Mais au lieu de sévir, Oligui Nguema semble préférer une posture ambiguë, empreinte de duplicité et de connivence avec les fossoyeurs du suffrage universel. Pourtant, l’avènement de la Ve République devait marquer la fin de l’impunité et des pratiques de l’ancien régime. Une fois encore, le peuple se retrouve floué, ses espoirs brisés, face à un pouvoir plus soucieux de préserver les intérêts de ses amis politiques que de répondre aux aspirations profondes des Gabonais. À ce rythme, la Ve République, à défaut d’être une illusion, risque de se transformer en un drame socio-politique aux conséquences lourdes pour la nation. 

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