Gabon: Brice Clotaire Oligui Nguema, désormais piégé par ses propres conciliations politiques ?

Le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du gouvernement Brice Clotaire Oligui Nguema dans son avion en direction de New-York © DR

Libreville, le 7 octobre 2025 – (Dépêches 241). À vouloir plaire à tous, le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du gouvernement Brice Clotaire Oligui Nguema semble aujourd’hui enlisé dans les contradictions d’une stratégie politique trop large et trop accommodante. Car, en donnant une place politique au Parti Démocratique Gabonais (PDG), qu’il avait pourtant évincé du pouvoir le 30 août 2023, il a non seulement ravivé les réflexes de l’ancien système, mais aussi laissé réapparaître les pratiques qu’il prétendait corriger : favoritisme, clientélisme, et inertie administrative. En agissant ainsi, il a affaibli la clarté de son projet de rupture et semé le doute dans l’opinion publique nationale. Et la promesse d’un nouveau départ se dilue clairement dans une continuité à peine masquée.

La protection accordée à certaines figures influentes de l’ancien régime, sans qu’aucune reddition de comptes ne leur soit exigée, interroge profondément aujourd’hui. Cette posture donne le sentiment d’une justice à géométrie variable, où les alliances occultes l’emportent sur l’exigence de vérité et de réparation. L’impunité, lorsqu’elle devient une stratégie de pacification politique, mine la confiance des citoyens dans le discours de refondation. Quant au peuple, il  observe, déçu de constater que les visages changent mais que les logiques demeurent. Et dans ce jeu de silence et de protection, c’est l’élan populaire post-coup d’État qui s’épuise.

De plus, en ayant associé à sa candidature toutes les tendances politiques majeures, Oligui Nguema a certes consolidé sa victoire le 12 avril dernier, mais au prix d’une dette politique multiforme. Chaque camp, chaque figure, chaque courant estime désormais avoir « droit » à une part de pouvoir, de ressources ou d’influence. Cette dispersion des loyautés rend difficile toute ligne politique cohérente, et empêche visiblement l’émergence d’un leadership fort et structuré. Pris entre les attentes contradictoires de ses soutiens, le Président gouverne davantage dans l’équilibre des pressions que dans la vision. Et dans ce jeu d’équilibriste, c’est le pays qui vacille.

Ainsi, à trop vouloir concilier les impossibilités ;  refondation sans rupture, justice sans vérité, rassemblement sans direction, Brice Clotaire Oligui Nguema semble se retrouver otage de sa propre stratégie. S’il ne tranche pas clairement entre héritage et renouveau, s’il ne définit pas un cap courageux et assumé, sans faire prophétie, il risque de sombrer dans la même logique d’usure que ses prédécesseurs. Le temps de l’ambiguïté politique devrait toucher à sa fin pour faire place à celui des choix conséquents. 

Et pendant que les tambours de la rupture résonnent à vide, le peuple, lui, regarde la scène depuis les gradins, le souffle court, le regard las. Le costume du bâtisseur commence à flotter sur des épaules chargées de compromis. À force de vouloir être tout pour tous, il ne reste plus grand-chose de solide à offrir à quiconque. Le sablier s’écoule, lentement mais sûrement, et l’histoire, moqueuse, s’apprête peut-être à écrire encore un de ces chapitres où l’on change le décor, mais pas la pièce. Et si le vent ne tourne pas bientôt, il risque de souffler sur une cathédrale de promesses… bâtie sur du sable.

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