
Libreville le 10 octobre 2025 – (Dépêches 241). Dépourvus de tout sens républicain dans la gestion des affaires publiques, et imbus d’une arrogance sans bornes, certains acteurs politiques gabonais s’illustrent aujourd’hui par une duplicité effarante. C’est ce que révèle la récente sortie de la ministre de la Pêche et de l’Économie bleue, Laurence Ndong, qui, face au désastre électoral du double scrutin du 27 septembre dernier, a osé justifier les irrégularités massives en évoquant une prétendue « culture électorale » propre au Gabon. Un propos d’une indécence rare, qui a profondément choqué une opinion déjà exaspérée par les promesses trahies du nouveau régime.
Non satisfaite du simulacre électoral que furent les scrutins couplés du 27 septembre, Laurence Ndong a choisi de pousser le cynisme jusqu’à présenter cette débâcle démocratique comme une fatalité historique. Selon elle, la tricherie, les fraudes massives, le transport d’électeurs d’une circonscription à l’autre, ou encore la distribution sauvage de carnets de procurations aux candidats de l’UDB et de ses alliés, relèveraient d’une sorte « d’habitude nationale ». Un renversement moral grotesque, qui nie toute volonté réelle de rompre avec les pratiques dégradantes et inhumaines du régime Bongo, pourtant dénoncées avec véhémence par la même ministre lorsqu’elle n’était pas encore au pouvoir.
Hier farouche opposante à la mal-gouvernance et au népotisme, Laurence Ndong est devenue aujourd’hui la fidèle servante du système qu’elle prétendait combattre. Ce revirement pathétique illustre la profonde dégénérescence morale d’une classe politique qui a fait de la transhumance et de la compromission son principal mode de survie. Pour justifier l’injustifiable, la ministre a déclaré : « Notre pays sort de très loin. Il y a une culture électorale, une façon de faire les élections qui n’a pas commencé aujourd’hui, et nous sommes en train de partir vers la transformation », a-t-elle fait savoir.
Mais de quelle transformation parle-t-elle ? Car il ne s’agit nullement d’une rupture avec les vieux démons du passé, mais bien d’une continuité assumée : celle de la fraude systématique, du clientélisme et de la confiscation du pouvoir. Dans son discours, la transparence électorale devient un horizon lointain, presque impossible, en raison, selon elle, « des mentalités qu’il faut faire évoluer ». Autrement dit, la perpétuation des fraudes électorales reviendrait au peuple gabonais lui-même, qu’elle juge inapte à comprendre la démocratie. Une inversion morale dépourvue d’éthique, d’autant plus révoltante qu’elle tente de dédouaner les véritables responsables : ceux qui manipulent, mentent et trichent depuis toujours.
Ainsi, pour Laurence Ndong, les irrégularités flagrantes du scrutin ne seraient pas le fruit d’une organisation délibérément viciée, mais la conséquence d’une « culture électorale » dont le peuple serait prisonnier. Une justification cynique, insultante et dangereuse, qui traduit la volonté du pouvoir actuel de banaliser la fraude et de l’installer comme une norme politique, et d’imposer au pays une amnésie collective.
En réalité, derrière cette rhétorique d’autojustification se cache une vérité plus crue : le régime d’Oligui Nguema n’a ni projet de transformation réelle du pays ni volonté de réforme. Il reproduit, sous un vernis de légitimité nationale, les mêmes pratiques de domination et de manipulation qui ont conduit le Gabon à la faillite morale, économique, politique et institutionnelle. Laurence Ndong n’en est que le symptôme le plus caricatural : celle qui incarnait hier la dénonciation du mensonge d’État en devient aujourd’hui la voix officielle.
Au regard de ce qui précède, l’argument de la « culture électorale » brandi avec emphase par Laurence Ndong n’est pas une maladresse : c’est une confession. Elle avoue, sans le dire, que la fraude électorale n’est plus une dérive, mais un système intégré, revendiqué, assumé. Le pouvoir actuel, loin de corriger les travers du passé, les a simplement rebaptisés au nom de la conservation coûte que coûte du pouvoir. Et c’est peut-être là le drame du Gabon contemporain : voir ceux qui criaient hier à la trahison devenir aujourd’hui les architectes du mensonge et de la manipulation.







