Un second tour sous tension et sous soupçons: du serment d’Oligui Nguema à la réalité des pratiques et des urnes

La posture du président de la République qui avait promis la fin des pratiques anciennes face à la crise de chaos électoral interpelle et interroge

Libreville, le 10 octobre 2025 – (Dépêches 241). Le 30 août 2023, le lieutenant-colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, d’une voix grave, annonçait la fin du « régime Bongo » et de ses « élections tronquées ». Le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) promettait alors de « sanctuariser le processus électoral », de garantir des scrutins « transparents, crédibles et inclusifs » et de restaurer la confiance du peuple. Le général Brice Clotaire Oligui Nguema, porté par une armée se présentant en redresseuse de torts, jurait de tourner la page des fraudes passées. La noble intention semblait claire : éradiquer la transhumance électorale, les urnes falsifiées et les comptes de campagne opaques.

Deux ans plus tard, le scrutin du 27 septembre 2025, censé couronner la transition, s’est transformé en caricature. L’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), le parti fondé par Oligui Nguema, a remporté 55 sièges dès le premier tour, dans un climat d’irrégularités systématiques. L’Autorité de Contrôle des Élections (ACER) a signalé l’absence de bulletins de vote pour certains candidats, des isoloirs non conformes, des listes d’émargement incomplètes et des procurations illégalement délivrées. Elle a promis de poursuivre les commissaires électoraux impliqués dans ces manœuvres destinées à fausser la sincérité du scrutin. Des témoignages font état de transport d’électeurs, de falsifications de procès-verbaux et de fraudes massives. La Coalition pour la Nouvelle République (CNR) a qualifié le scrutin de « fiasco » et exigé son annulation, dénonçant la « violation du Code électoral de bout en bout ».

Ce paradoxe moral rappelle à quel point l’histoire se répète sous de nouveaux visages. Le Code électoral gabonais prévoit pourtant des sanctions sévères pour les délits électoraux : emprisonnement, amendes pouvant atteindre cinq millions de francs CFA et inéligibilité. Mais dans la « Nouvelle République », les fraudeurs d’hier semblent être devenus les gendarmes d’aujourd’hui. En 2023, Oligui Nguema annulait les résultats de la présidentielle pour cause de fraude. En 2025, son propre parti bénéficie de dysfonctionnements similaires, sinon pires. Les promesses du CTRI , lutte contre la fraude, transparence, cohésion sociale, se sont muées en fraudes massives, institutions partisanes et tensions politiques.

Le Coup d’Éclat Qui a Enfanté un Coup de Dés Électoral

Le chef de l’État, garant de la transition, observe un silence assourdissant face aux accusations. Aucune enquête n’est ouverte, aucune sanction annoncée. L’opposition, dénonçant une « pagaille organisée », se retire du processus électoral, à l’image du mouvement Ensemble Pour le Gabon. Le remède censé guérir la République s’est changé en poison. La « Ve République » naissante trahit le serment du 30 août 2023 et s’installe dans la continuité du désenchantement.

Si la satire est un miroir, elle renvoie aujourd’hui l’image d’un pouvoir ayant troqué son idéal de refondation contre les vieilles recettes de la gouvernance frauduleuse. Oligui Nguema, qui justifiait son coup d’État par la moralisation de la vie politique, a offert au Gabon une gageure historique : dénoncer la mascarade électorale pour mieux la perpétuer. Le peuple, doublement trahi, attend toujours l’essor vers la « félicité » promis. En attendant, la démocratie gabonaise demeure un théâtre où les acteurs changent, mais le scénario reste, hélas, le même.

Et c’est dans ce climat d’amertume et de doute que s’ouvre, ce samedi 11 octobre, le second tour des élections législatives. Loin de l’élan démocratique promis il y a deux ans, les Gabonais s’apprêtent à retourner aux urnes dans une atmosphère plombée par les soupçons de fraudes et les relents de manipulation institutionnelle. Le spectre de l’irrégularité plane sur les bureaux de vote, comme une menace silencieuse, un rappel lancinant que le ver est toujours dans le fruit. Chaque bulletin glissé demain dans l’urne aura le goût amer d’un choix encadré, voire neutralisé, dans une pièce dont les dés semblent déjà jetés. Plus qu’un scrutin, c’est un test de lucidité collective : la nation saura-t-elle encore croire en la promesse d’un renouveau ou devra-t-elle définitivement composer avec le désenchantement comme norme politique ?

Réponse demain ! 

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