Libreville, le 24 mai 2022 – ( Dépêches 241 ). La communication présidentielle manque manifestement d’idées, d’ingéniosité mais surtout de créativité. Et ce n’est assurément pas un problème d’homme car ces carences en communication étaient déjà perceptibles à l’époque des « BLA Boys » quand Ike Ngouonie Ayila alors patron de la communication du palais, s’était vautré dans une tautologie du « Ali Bongo aux commandes » qui à l’époque sonnait déjà creux dans les oreilles et la conscience des Gabonais.
Après 2009, la régence de la Présidence de la République a cru bon d’imposer au chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba, le remake des « coupés-coupés » de Ndjolé. En conséquence, cette séquence du 14 mai a contribué a écorner l’image du chef de l’État, en même temps qu’elle a relancé le débat sur la vacance du pouvoir tout en confortant les pourfendeurs du fils d’Omar Bongo Ondimba dont l’état de santé fragile s’est mué en projet de société et cheval de bataille d’une partie de l’opposition.
Il est d’évidence que depuis le retour à la vie normale, la célébration du 12 mars et les derniers voyages et sorties du président de la République, la communication présidentielle oscille entre nébulosité et volonté irascible de convaincre l’opinion sur la capacité d’Ali Bongo à gouverner le Gabon et donc par ricochet à briguer un troisième mandat en 2023. Une stratégie du déjà vu mais dont on cherche toujours à trouver l’intérêt et la pertinence.
Dans les démocraties pluralistes, la communication répond à des codes. Sa stratégie est fonction de l’objectif recherché. Elle a généralement pour vocation d’aider à l’élection de la personne qu’elle sert avant ou pendant une campagne électorale et à favoriser le soutien de l’opinion publique lors de l’exercice d’un mandat.
En l’espace d’une semaine, le chef de l’exécutif a sillonné deux fois Libreville et sa périphérie. Si la première sortie avait un but bien précis, celui de visiter les chantiers routiers lancés un an plus tôt, la seconde avait tous les atours d’une sortie de weekend entre amis. Or cette sortie, disent-ils inopinée, a montré un Ali Bongo manifestement fragile, pas totalement remis de son AVC d’Octobre 2018. Et contrairement à ce que l’on veut faire croire à l’opinion, le chef de l’État n’a pas d’énergie à revendre.
Alors que l’opinion publique croyait ce chapitre définitivement clos, la sortie du chef de l’État le 14 mai dernier dans les rues de Libreville, a relancé le débat sur la vacance du pouvoir. Nombreux sont ceux qui ont aperçu un Ali Bongo affaibli, conduit à travers les artères de la capitale. Ainsi, plusieurs observateurs du landerneau politique gabonais n’ont pas manqué de pointer les failles dans la communication et la gestion de l’image du Président de la République, à une période aussi décisive pour son avenir à la tête de l’exécutif. Les photos diffusées par la presse présidentielle montrant le chef de l’État dégustant un plat un «coupés-coupés» étaient assurément l’image du weekend. Qu’a -t-on retenu de cette sortie du numéro un gabonais ?
« Ali Bongo est malade, et ça se voit. La promenade de Monsieur Ali Bongo a provoqué un déversement de mots, d’attitudes et de comportements compassionnels. C’est de l’ordre naturel des choses, nul ne peut rire du malheur de son prochain, de son compatriote, du président de la République qu’on exhibe dans cette méforme surtout quand il s’agit du Chef suprême des armées », a regretté l’éditorialiste Télesphore Obame Ngomo
S’est-il lancé en campagne pour la présidentielle à venir ? Là encore personne ne le sait. Nombreux s’accordent à dire que cette séquence n’est qu’une pâle copie de l’épisode de Ndjolé en 2009, où Ali Bongo avait effectué un voyage dans l’hinterland pour remercier ses électeurs après sa victoire à la présidentielle quelques mois plutôt. D’aucuns concluent donc que les proches du président manquent d’initiatives, où n’ont simplement rien à montrer aux populations en raison d’un bilan famélique après ce second mandat de sept ans.
Pour Télesphore Obame Ngomo, président de l’Organisation patronale des médias (Opam), cette dernière sortie d’Ali Bongo dans les rues de Libreville relance manifestement le débat sur la vacance du pouvoir que l’on disait clos. D’ailleurs, l’Union nationale, partie politique de l’opposition, a rappelé pour sa part que la Cour Constitutionnelle aurait dû déclarer la vacance du pouvoir depuis octobre 2018, pour éviter « l’imposture et le triste et humiliant spectacle du Président de la République ». Ce dernier de supplier « L’état sanitaire du président de la République impose des comportements responsables et républicains. Au nom du Gabon d’abord, tout ce cinéma devrait s’arrêter. La République a assez été humiliée. Ca ne peut plus continuer ainsi ». Fin de citation.