Avion défaillant des Panthères: Quand Franck Nguéma piétine le principe démocratique de la reddition des comptes

Sur quoi compte le ministre Franck Nguema pour fouler au pied un principe aussi important que celui de rendre compte ? ©DR

Libreville le 9 juin 2022 – ( Dépêches 241). Les deux rencontres des éliminatoires Can 2023 s’étant achevées par un bilan plus au moins positif, car le Gabon a glané 4 points sur 6, il convient désormais de revenir sur le scandale lié au voyage de la RDC. La location d’un avion défaillant par la tutelle, un drame évité de justesse et pour lequel les responsabilités ne sont toujours pas situées entre le ministère des Sports et la Fegafoot. Un scandale par ailleurs exacerbé par le silence inconvenant de Franck Nguema, dont l’attitude, tant à minorer la proportion de cette affaire qui a porté atteinte au crédit de la Nation. 

Un homme décontenancé, inconscient et ignorant de la teneur de la fonction qu’il occupe. Un homme au contraire incommodant, méprisant du principe de la reddition de comptes. De quel côté s’est rangé le ministre des Sports Franck Nguema, lequel depuis le fiasco lié au voyage des Panthères du Gabon à Kinshasa, et plus globalement de leur préparation, s’est muré dans un silence à la lisière du mépris et de l’indécence. C’est entre autres la question au-delà de la démission réclamée du ministre de tutelle, qui revient avec instance dans l’opinion depuis la succession des faux pas entre Paris, Barcelone, Kinshasa et Franceville, pour les deux premières journées des éliminatoires comptant pour la Can 2023 en Côte d’Ivoire. 

Si la Fédération Gabonais de Football (Fegafoot), par le biais d’un communiqué a annoncé la tenue prochaine d’une conférence de presse, actant de ce fait, son souhait de s’exprimer sur la question, l’administration des sports dont Franck Nguema est la figure tutélaire, n’a laissé transparaître aucune once, aucune volonté d’édifier l’opinion, sur ce qui s’est réellement passé entre le 1er juin et le 6 juin, période pendant laquelle la fierté nationale des Gabonais a été souillée par l’amateurisme et le dilettantisme de ceux qui dirigent notre  football.  

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Pourtant, les faits sont assez graves, inexcusables et inadmissibles même, au regard des réactions suscitées dans l’opinion par les internautes, à la lumière des faits, compte tenu du calvaire vécu par les joueurs et de l’humiliation subie par la Nation. Au-delà de l’impotence à laquelle ces dirigeants nous ont habitués dans la gestion du football gabonais, c’est le drame avec lequel a flirté Gabon, à travers la vie des joueurs et du staff, manifestement mise en danger par le ministère des Sports qui mérite qu’on s’y interroge avec une certaine gravité. 

Et pour une fois, – on épargnera à la presse certaines intentions villes et séditieuses – cette réalité a été confirmée par les joueurs en l’occurrence le capitaine des Panthères, Bruno Ecuele Manga. « Cela ne peut plus continuer !  Nous subissons un manque de professionnalisme qui au final a un impact négatif sur nos performances et qui cette fois-ci a mis nos vies en danger. C’est inadmissible et inacceptable », avait déclaré Bruno Ecuele Manga quelques heures après la victoire face à la RDC. 

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« Inadmissible et inacceptable », également, c’est la posture prise par le ministre des Sports, insonore et silencieux à souhait pendant toute la période de crise alors que les Gabonais réclamaient à hue et à dia des explications, car inquiets de ce que leur sélection était bloquée à Barcelone. Un ministre des Sports qui est apparu, toute honte bue et tout sourire dans les vestiaires des Panthères qui ont atterri 2 heures seulement avant le début du match. Une attitude qui consacre l’inconséquence d’un homme, qui n’a ni la sagesse encore moins la hauteur de s’extirper des fanfaronnades dont il est coutumier du fait, quand la pudeur aurait commandé à quiconque de la retenue, après avoir piloté un déplacement qui a frôlé une catastrophe et qui a surtout – et c’est là le plus grave – a porté atteinte au crédit de la Nation. 

« Inadmissible », en outre, est la condescendance dont a fait montre, par son mutisme, le ministre Franck Nguema à l’égard de l’équipe des Panthères, de ces fans, des Gabonais et de l’institution qu’elle représente. « Inacceptable », parce que pourtant conscient de ce qu’il est, en tant que membre du gouvernement, débiteur de l’obligation de rendre compte, crache néanmoins et piétine en outre, avec une certaine outrecuidance, le principe républicain et démocratique de la reddition de comptes. 

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La reddition de comptes, c’est ce concept de droit qui désigne généralement l’action par laquelle les pouvoirs publics, les gouvernements, les responsables privés de manière plus ou moins périodique, selon les contextes, la configuration ou les événements, rendent des comptes aux administrés ou aux citoyens de la gestion d’une affaire ou d’un projet. Lequel principe, selon le sociologue et politologue Français, Pierre Rosanvallon, est fondamental pour l’amélioration du fonctionnement des démocraties, et le rétablissement de la relation de confiance entre les gouvernants et les gouvernés (Cf, La contre-démocratie, la politique à l’âge de la Défiance). 

Il apparaît clairement et de façon évidente qu’en agissant ainsi, Franck Nguema a fait une entorse grave au fonctionnement de la démocratie en manquant à ses devoirs en tant que ministre. Des devoirs et des responsabilités rappelés par le président de la République Ali Bongo Ondimba à l’occasion de son discours devant le congrès le 25 juin 2021. « Légiférer, tout comme gouverner, c’est prendre conscience non seulement de ses droits, mais aussi de ses responsabilités et de ses devoirs », avait-il martelé. Visiblement, le responsable du département des Sports n’accorde aucun intérêt à la vision politique de celui dont il fait pourtant la promotion de façon ostentatoire. De là à se demander dans quel intérêt, si on crache sur ses recommandations. 

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Sous d’autres cieux, en France notamment, pour parler du cas que l’on connais le moins mal, des situations similaires et même moins graves ont donné lieu à des levées des boucliers des institutions. En 2010, au lendemain de l’affaire Knysna du nom du scandale où l’équipe de France de football, éliminée au 1er tour de la Coupe du monde en Afrique du Sud, après s’être comportée de façon éhontée en salissant du reste le drapeau Français, Knysna est devenu une affaire d’Etat. Suscitant débat au Parlement, les joueurs, le Staff, le coach et le ministre des Sports ont été convoqués devant une commission d’enquête parlementaire de laquelle des sanctions lourdes avaient émergé.  

Le Samedi 28 mai dernier, en marge de la finale de la Ligue des Champions entre le Real Madrid et Liverpool, le stade France et ses abords, ont été le témoin d’affrontements entre supporters, policiers car certains supporters pourtant en possession de billet n’ont pas pu entrer dans le stade. L’organisation et la crédibilité de France pointées du doigt, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a été convoqué par le Parlement au Palais Bourbon afin de s’expliquer sur ces événements. Dans la foulée, le ministre convoqué, en compagnie de sa collègue des Sports Amélie Oudéa-castéra ont tenu une conférence de presse dans le but de faire la lumière sur les événements susmentionnés. 

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Au regard de la honte que cette question liée à la location d’un avion défaillant infligé à la Nation, au regard de son caractère dégradant et indigne d’un pays comme le Gabon, au regard en outre, du fait que cette négligence a failli coûter la vie à des citoyens dont le seul crime est d’avoir voulu défendre les couleurs du Gabon, Franck Nguema par respect pour le Gabon, pour les Gabonais et pour sa hiérarchie se devait d’édifier l’opinion sur cette affaire. Sinon, au nom de quoi certains s’autorisent-ils par leur incompétence et leur irresponsabilité, à mettre la vie des autres Gabonais en danger ? Au nom de quoi personne ne devrait jamais rendre des comptes aux Gabonais quand leur pays est ridiculisé, traîné dans la boue à la face du monde ? Quels sont donc ces gouvernants et responsables politiques, qui ne sont jamais responsables de rien et qui ne doivent rien à personne ?  

Ce sont là des questions que se posent des Gabonais car pour plusieurs d’entre eux, cette attitude relève presque de la haute trahison et du complot contre la Nation. Ce d’autant plus qu’elles tendent par la posture des responsables du football Gabonais, à être évacuées et expédiées sans aucune autre forme de procès, d’un revers de la main alors que la République y a laissé son honneur, sa dignité et son prestige.

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