
Libreville, le 2 avril 2025 – (Dépêches 241). Depuis plusieurs jours, une affirmation pour le moins audacieuse circule : sous l’impulsion du général Oligui Nguema, le Gabon aurait aménagé 1950 km de routes en seulement 19 mois. Une affirmation faite par le Général Oligui lui-même et un chiffre qui étonne. Et pour cause, s’il était avéré que le Gabon dispose de 1950 km de routes bitumés ou bétonnés supplémentaires, cela constituerait une prouesse inédite, digne des plus grandes puissances. Mais entre communication officielle et réalité du terrain, le fossé semble abyssal. Une question s’impose alors : le CTRI bâtit-il un réseau routier ou un mirage politique ?
En consultant le Plan National de Développement des Transports (PNDT) 2024-2026, on peine à trouver la trace de ces 1950 km miraculeusement réalisés. Le document, qui recense les projets routiers prioritaires, mentionne notamment la Transgabonaise, l’axe Port-Gentil – Omboué et la route Koulamoutou – Lastoursville. Or, non seulement ces chantiers sont loin d’être achevés, mais certains n’ont même pas encore démarré, bloqués par des contraintes budgétaires et administratives. L’état des routes dans plusieurs provinces, comme l’Ogooué-Ivindo et la Nyanga, atteste de cette réalité peu reluisante.
Construire 1950 km en 19 mois supposerait par ailleurs une cadence de 100 km par mois. Un rythme qui défie toute logique et tout rationalisme, même pour les pays disposant d’un appareil industriel avancé et de moyens financiers colossaux, ce qui est loin d’être le cas du Gabon qui vient d’ailleurs de dévoiler la construction de plusieurs linéaires dont celle du tronçon.
Lebamba-Mbigou-Malinga-Molo dont la durée des travaux est prévue sur 72 mois soit 6 ans. Considérant que la plupart des voiries à aménager que ce soit à Libreville où à l’intérieur du pays, nécessitent le même niveau de travaux sinon supérieur dans certains cas, difficile de croire que 1950 km de routes aient pu être construites.
Pour rappel, le coût de construction d’une route bitumée au Gabon oscille entre 300 millions et 1 milliard de fcfa par kilomètre. Autrement dit, un tel projet aurait nécessité au minimum 600 milliards de fcfa, un montant qui ne figure nulle part dans les décaissements de l’État. Face à cette incohérence, Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre, n’a pas manqué de réagir : « Où sont ces routes ? Si on a construit 1950 km en 19 mois, cela signifie 100 km par mois. Montrez-les-nous ! » Une interrogation légitime qui résume le scepticisme ambiant face à ces déclarations fracassantes.
En réalité, cette annonce du CTRI semble s’inscrire dans une stratégie de communication factice et spécieuse plutôt qu’une véritable réalisation infrastructurelle. En présentant un bilan aussi spectaculaire qu’invérifiable, le pouvoir de transition cherche-t-il à masquer l’absence de progrès concrets sur le terrain ? Cette surenchère numérique soulève une question plus profonde : quelle crédibilité accorder à une administration qui semble confondre ambition et illusion ?