
Libreville, le 7 avril 2025 – (Dépêches 241). Brice Clotaire Oligui Nguema, présenté comme l’homme du renouveau et de la rupture, s’entoure pourtant des vieux routiers du régime Bongo-PDG. Jean François Ntoutoume Émane, Jean Eyeghe Ndong, Paul Biyoghe Mba, Guy Nzouba Ndama: autant de figures qui ont servi sous Omar Bongo Ondimba et qui, aujourd’hui, reprennent du service sous la Transition. Derrière le discours du changement, c’est en réalité une reconduction assumée de ceux qui ont façonné le Gabon d’hier. Ces hommes ont déjà gouverné, déjà échoué à impulser de véritables réformes, et pourtant, les voici de retour aux commandes, sous l’œil bienveillant d’un Oligui Nguema soucieux uniquement de stabiliser son pouvoir.
Jean François Ntoutoume Émane, ancien Premier ministre (1999-2006) et baron du PDG, revient dans le jeu politique après des années d’effacement, comme si le vivier politique gabonais s’était tari. Jean Eyeghe Ndong, qui lui a succédé à la primature (2006-2009) et a un temps flirté avec l’opposition, semble avoir définitivement refermé cette parenthèse en rejoignant l’entourage d’Oligui Nguema. Quant à Paul Biyoghe Mba, ex-Premier ministre d’Ali Bongo et fidèle serviteur du système, il parachève cette brochette d’exécutants d’un modèle politique dont le chef de la Transition prétend s’éloigner. Leur retour en force n’a rien d’anodin : ils incarnent un certain savoir-faire dans la gestion des équilibres internes du pouvoir, mais aussi une inertie politique qui a empêché toute véritable refonte du pays.
Pourquoi ce retour des anciens ? Parce que leur connaissance des arcanes du pouvoir reste un atout pour sécuriser la Transition et préparer une élection sans imprévus. Ces hommes ont l’expérience des campagnes électorales, des rouages administratifs et des jeux de coulisses. Oligui Nguema les recycle non pas par nostalgie, mais par pragmatisme : ils savent comment verrouiller un scrutin, comment manœuvrer pour éviter les fractures internes. Derrière l’argument de l’expérience se cache une autre réalité : le Gabon est toujours dirigé par les mêmes, avec les mêmes méthodes, les mêmes héritiers et ceux qui espéraient une rupture risquent ont déjà vite déchanté.
Le paradoxe est criant. Oligui Nguema, qui se présente comme le chef de file d’un « Gabon nouveau » qu’il entend vouloir réformer, s’appuie sur les hommes du « Gabon d’hier ». À mesure que la campagne avance, le mythe du renouveau s’effrite pour laisser place à une réalité plus crue : la transition ne fait que réaménager l’ancien système avec des visages connus et des méthodes pourtant réprouvées par les populations. La jeunesse, qui espérait un changement radical en commençant par les mentalités, se retrouve face à un casting politique inchangé, comme si la relève était impossible, comme si l’avenir devait éternellement se jouer avec ceux qui ont construit le passé et détruit ce pays.
Derrière la façade du changement, le Gabon semble donc rejouer un scénario familier. L’avenir du pays ne se construira pas avec des hommes qui ont déjà échoué à le transformer. Si Oligui Nguema veut convaincre qu’il incarne une vraie rupture, il devra prouver qu’il n’est pas simplement en train de rafistoler l’héritage Bongo pour mieux le perpétuer. À force de s’appuyer sur ces vétérans, il risque de donner raison à ceux qui l’accusent de ne jamais avoir envisagé autre chose qu’une transition de façade, destinée à protéger un système plutôt qu’à le révolutionner.